Tous les cinéphiles ont leur scène préférée de Claudia Cardinale. Dans une filmographie aussi monstrueuse, dur de savoir laquelle piocher. La plupart retiennent son personnage inoubliable d’Il était une fois dans l’Ouest, chef d’œuvre de Sergio Leone, avec fameux plan séquence qui fait d’elle le pivot historique et radicalement féminin d’une époque en pleine mutation… Jill Mc Bain, ex-prostituée, pionnière d’un monde qui repousse constamment ses frontières, n’aurait jamais été un personnage aussi fort sans le visage impénétrable de Claude Cardinale, son regard cerné de khôl où semblent se jouer toutes les tragédies du monde… pour l’histoire du cinéma, elle sera à jamais liée à cette musique d’Ennio Morricone qui semble composée pour elle, à la fois langoureuse et dramatique, douce et profonde… D’autres évoqueront sa valse sensuelle avec Alain Delon dans Le Guépard de Visconti, ou encore ce fabuleux travelling avant où le réalisateur italien la filme telle une princesse échevelée, consumée par son amour… il y a aussi, bien sûr, son duo jouissif avec Brigitte Bardot dans Les Pétroleuses, sorte de fantasme fait film signé par l’imparable Christian-Jaque, et qui réunit ensemble les deux plus belles femmes de leur époque…
Lire aussi : Redford : le dernier vol du Condor
On pourrait évoquer également ces plans sublimes et noctambules du Huit et Demi de Fellini où Cardinale apparaît comme un joyau porté par la nuit elle-même, apparition fantomatique et charnelle à la fois, vestale qui possède la clé des songes de Marcello Mastroianni… sans oublier son rôle de ragazza dans le film éponyme de Luigi Comencini : cette scène poignante où elle rend visite à Bube en prison et doit choisir entre l’attendre toute sa vie et épouser enfin son désir d’émancipation, métaphore vivante d’une Italie confrontée à l’immobilisme… pour ma part, ce serait une scène beaucoup plus légère mais qui résume à merveille la féminité des années 60, à la fois mutine et d’une sensualité redoutable : dans La Panthère Rose (Blake Waters, 1963) elle incarne la princesse Dala, figure parfaite de la femme inatteignable, languissante sur une peau de tigre avec qui elle fait semblant de s’entretenir tout en déployant tout son charme pour séduire Peter Sellers – en anglais mais avec son inimitable accent franco-sicilien… en quelques plans, la température monte de plusieurs degrés, et Claudia Cardinale semble n’avoir à peu près rien à faire de plus pour forcer son interlocuteur à s’agenouiller afin de goûter à ses lèvres les quelques perles de champagne que sa langue aura subtilement laissées… sublime scène que ce triangle amoureux avec un tigre empaillé. Sicilienne installée en France, sex-symbol qui ne s’est jamais prise vraiment au sérieux, actrice complète, à la fois physique et investie complètement dans ses rôles, Claudia Cardinale nous a rappelé aussi et surtout à quel point la France et l’Italie sont les deux plus beaux pays du monde, figure de cet âge d’or où les deux pays dialoguaient constamment à travers leur cinéma et leurs stars de cinéma : elle en fut le pur parfait précipité.





