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Essais en bandes dessinées : une case en moins pour les intellos ?
En 2008, Vuibert, éditeur pédagogique, publie la traduction d’une bande dessinée passionnante, Logicomix, sur un sujet curieux : l’histoire des fondements mathématiques, autrement dit la crise des mathématiques de la fin du XIXe siècle au début du XXe. Le livre, écrit et dessiné par une équipe grecque réunissant entre autres un romancier et un universitaire, deviendra un phénomène d’édition et se vendra, toutes éditions confondues, à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. C’est un filon : Economix sort en 2012 (et en est à sa sixième édition), Geostrategix (Pascal Boniface) en 2022, chez Dunod. En octobre 2021, Dargaud publie Le Monde sans fin, un album de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici sur la crise énergétique, déjà écoulé à un million d’exemplaires en France, à la grande fureur des antinucléaires. Histoire de Jérusalem, sorti en 2022, a atteint les 300 000 exemplaires : entre des pavés historiques arides sur le Proche Orient et 256 pages colorées, le grand public a choisi. Défaite de l’intelligence ? Ou triomphe de la pédagogie ? [...]
Jérôme Fourquet : déliquescence française
Le moderne aime les chiffres et mesure tout – c’est même à ça qu’on le reconnaît. Et pour cause, tout son monde est bâti sur l’empire du chiffre, depuis la construction de l’État, qui doit beaucoup à l’essor des sciences camérales, jusqu’à la démocratisation des sociétés, incarnée au quotidien par les enquêtes d’opinion et sondages, sans parler de l’encodage algorithmique de nos comportements par les nouvelles technologies. Conséquence : il n’est plus désormais un domaine de la vie sociale pour lequel on ne dispose d’une batterie de chiffres. [...]
William Morris : L’art contre les robots
Décembre s’ouvre par la réouverture d’un chef-d’œuvre gothique et finit par le déferlement de plastique sous les sapins – aussi s’agit-il de l’occasion idéale pour relire William Morris, autre géant de l’Angleterre victorienne qui forme comme un triptyque avec Thomas Carlyle (L’Incorrect n° 72) et John Ruskin (n° 80). Romantique exalté bien qu’issu d’un milieu puritain aisé (sa fortune lui permettra de financer ses activités), Morris étudie la théologie à Oxford, jusqu’à ce qu’une rencontre avec Edward Burne-Jones le détourne de l’état clérical – il perdra bientôt la foi. Les deux hommes partent à la découverte des cathédrales gothiques du nord de la France, et voilà Morris qui se lance dans l’architecture, devenant l’élève de George Edmund Street, figure du renouveau gothique. Mais très proche de la Confrérie préraphaélite (Burne-Jones s’est placé sous le patronage de Rossetti), il s’essaye ensuite à la peinture, puis s’essayera encore à la littérature, rédigeant des poésies (voir les 40 000 vers de The Earthly Paradise), des histoires fantastiques et des traductions (allant de L’Odyssée à plusieurs sagas islandaises). [...]
« Les Institutions invisibles » de Pierre Rosanvallon : politique spectrale
Dans De l’Esprit des lois, Montesquieu distinguait la loi et les mœurs : il y a d’un côté les institutions formelles du législateur, et de l’autre celles plus incarnées de la nation. Inlassable archéologue de la démocratie française, l’historien Pierre Rosanvallon propose dans un nouvel ouvrage d’y ajouter une troisième dimension : les « institutions invisibles », que sont la confiance, l’autorité et la légitimité. Plus psychologiques, interactives et instables que les autres, de l’ordre du moral des sociétés dont elles incarnent la face vivante, ces institutions aussi insaisissables que fondamentales ont une double fonction : organiser le commun et produire du temps social. « Ces institutions invisibles sont les plus efficaces des moyens de gouvernement en même temps qu’elles peuvent exprimer, lorsqu’elles font défaut, les oppositions les plus sourdes et constituer les résistances les plus insurmontables. » Toute notre crise politique est là, et voilà notre ponte de la social-démocratie, professeur au Collège de France et directeur d’études à l’EHESS, embarqué sur une pente aux fortes potentialités antimodernes – car on touche là à des processus souterrains fort peu malléables. [...]
« Le Nœud démocratique » : Gauchet majuscule
Il est quelques rares livres dont la lecture vous fait l’effet d’une révélation – comme si vous aviez dû deviner à tâtons les traits élémentaires d’une pièce plongée dans le noir, jusqu’à ce qu’un inconnu surgisse pour allumer la lumière, vous faisant découvrir l’ampleur des volumes autant que la préciosité du plus petit ornement. « Le choc contre un livre intelligent nous fait voir des milliers d’étoiles », résumait Gómez Dávila. C’est à peu près l’effet que fera le nouvel ouvrage de Marcel Gauchet aux lecteurs qui oseront s’y frotter. Car Le Nœud démocratique est un texte racé, à la fois richement écrit, densément construit et subtilement conduit, dont il vous faut traquer la narration pour qu’aucunes idées, nuances et distinctions, toutes lumineuses, ne vous échappent. Un texte qui se suffit à lui-même, sans l’avalanche de notes et citations de ceux qui veulent prouver leur érudition – ici, la hauteur d’abstraction suffit à dire le sérieux, la profondeur et l’ampleur de la démarche, en même temps qu’elle nous condamne ici à un résumé forcément grossier. [...]
Pierre-Henri Tavoillot : horizon commun
Lucide et minutieuse, votre démarche est animée par un fond d’optimisme mesuré mais sincère. Pensez-vous que nous Français voyons les choses plus noires qu’elles ne le sont ? [...]
Rémi Brague : la morale contre le moralisme
Il y a comme un paradoxe, affirme le philosophe Rémi Brague dans un bref essai dense et synthétique tout juste publié chez Gallimard. « Nous vivons sous le poids écrasant du moralisme alors que nous nous éloignons de plus en plus de la morale commune. » Ayant répudié la morale naturelle du Décalogue, nos contemporains, loin de s’affranchir de toute préoccupation morale, en ont promu une autre, bien plus contraignante et oppressive que celle qu’ils ont rejetée. On pense ici à l’écologisme punitif, au wokisme ou à la repentance mémorielle qui induisent une attitude de pénitent perpétuel sans espoir d’une quelconque miséricorde, à laquelle on ne peut finalement échapper qu’en devenant soi-même un apologète de ce nouveau « Décalogue ». [...]
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Les critiques Idées du mois de décembre
À LIRE : L’EMPIRE DU COMPLOT COMPLOTISME ET ANTICOMPLOTISME, UNE DOUBLE BLESSURE DE L’INTELLIGENCE, PASCAL IDE, Artège, 200 p., 16,90 € Nous pensions avoir fait le tour de la « question complotiste », mais le père Pascal Ide, triple docteur (en médecine, en philosophe et en théologie) rouvre le dossier dans un court essai dont l’approche […]
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L’Incorrect numéro 82

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