L’avantage avec Dieu, c’est que l’on sait où Il se trouve, Il est situable, Il habite la Vérité, laquelle reste difficile à trouver, indicible, revêche le cas échéant, un rempart croise avec un écrin, c’est l’existence, ça n’est pas facile et c’est confus, mais au moins si on l’ignore forcement c’est là, en témoignage de l’invisible présence de tout ce qui nous dépasse. Le problème avec le diable, c’est qu’on le voit facilement ; et d’abord dans le camp d’en face. On le voit remuer mollement ses ailes immenses avant de les déployer pour s’élever dans le ciel et fondre sur nous. On le voit dans tout ce qui n’est pas nous et dans tout ce qui nous menace, on le voit dans ce qui nous nie et qui se dresse en face, car aussi haut le Diable puisse-t-il monter pour nous impressionner il demeure celui qui habite l’horizon, l’abscisse est son domaine, l’invisible un exil auquel il n’a pas droit.
On peut mourir effraye sans comprendre qui nous tue. C’est ainsi que Satan aime sa victoire, seul point sur lequel il est humble : pas vu, pas pris.
Son domaine d’ailleurs, il le peuple sans mal parce qu’il est légion, et pour peu qu’on s’intéresse a ses manifestations, effet rebond de la recherche de la vérité, on découvre qu’il place ses sicaires partout où il peut les placer et que chaque fois qu’on découvre Satan devant soi, le voici aussitôt derrière nous, à côté de nous, en nous. Il n’y demeure certes jamais pour toujours, cet ami qui ne reste pas jusqu’à la fin comme dirait Bernanos. Après qu’il nous a trahis une fois de trop et qu’on l’a enfin démasqué – mais trop tard – il nous laisse agoniser seul, regrettant de ne pas avoir été capable de comprendre que cette lame qu’il aiguisait devant nous et dont on pensait, parce que c’était notre ami croyait-on, qu’il la préparait pour mener l’assaut à nos côtés, il allait nous planter avec. Mais c’est une grâce déjà que de découvrir que l’on s’est fait berner – comme le péché n’emporte pas tout quand il ouvre la voie de la pénitence qui le vaincra. Malheureusement cette grâce est rare et on peut mourir effraye sans comprendre qui nous tue. C’est ainsi que Satan aime sa victoire, seul point sur lequel il est humble : pas vu, pas pris.
On aimerait alors que les périodes de crises soient des périodes d’éclaircissements, on croit cela d’ailleurs, qu’à la fin dans la lutte le blanc et le noir se démêleront et qu’ainsi il nous sera facile de choisir notre camp. Rien de plus faux. La crise, c’est le terrain de jeu de Satan, le moment où le chaos du monde, que les périodes de paix et de haute civilisation dissimulent, se fait tellement sensible que l’invisible perd son rang et que nous ne croyons plus que ce que nous voyons pour finalement ne plus voir que ce que nous voulons voir : le diable dans le camp d’en face.
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Forcément, lui, il jubile et dispose ses troupes, se divise à l’infini a la façon d’une cellule cancéreuse pour pourrir tout ce qu’il peut pourrir de sain, il réveille alors le Cathare qui sommeille en nous, le pur, celui qui part en guerre contre le mal persuade d’être un représentant du Bien, le justicier qui ne doute de rien, qui sait tout, qui sait surtout qu’en face c’est le diable et son mensonge, les méchants pour toujours et a jamais ; la preuve, il les voit et ils ne sont pas lui, la preuve encore, il n’est pas dans leur camp, et dans son camp figurent les justes et les bons, et le Diable avec eux qui sourit à leur cote en aiguisant sa lame et en leur désignant sa présence en face, évidente, visible, facile, avant de les égorger tous en espérant qu’ils continuent dans un dernier hoquet sanglant de croire pour l’éternité a l’amour sincère qu’il leur porte.