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Eve Vaguerlant : « L’idée d’une politique familiale fera naturellement son chemin »

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Publié le

6 juin 2024

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Professeure dans un collège d’Île-de-France, Eve Vaguerlant dresse au cours de cet ouvrage un constat alarmant sur la vision de la maternité en France. De Simone de Beauvoir, aux néo-fémens en passant par la théorie du genre, l’auteur explique comment le combat « féministe » dessert aujourd’hui les femmes. Bien loin du combat des Suffragettes, cet ouvrage montre que cette lutte creuse et stérile menée par les féministes actuelles, est contre-productif et n’a en réalité plus pour objectif de défendre les femmes, mais bien de détruire les hommes.
© DR

Comment en êtes-vous venue à l’écriture de ce livre ?

Mère d’une petite-fille de 2 ans, j’ai personnellement fait l’expérience de toutes les difficultés que l’on rencontre lorsque l’on est enceinte en France, notamment le fait de devoir continuer à travailler pendant ma grossesse. C’est une source de stress majeure, qui a été prouvée durant le Covid-19 avec une baisse non négligeable du taux de prématurés – ce qui n’a évidemment pas été relevé car cela remettrait en cause le dogme féministe, qui veut placer les hommes et les femmes à égalité au travail. J’ai également fait l’expérience de l’accouchement dans la maternité française, qui est en train de péricliter. Ces expériences m’ont donc permis de réaliser à quel point la société française n’était pas accueillante envers les femmes enceintes et la maternité plus généralement. D’autre part, j’ai moi-même connu le phénomène de “planification d’un enfant”, et toute la pression que cela implique par la suite. Il nous faudrait revenir à un rapport plus spontané à la grossesse, et percevoir l’enfant comme un don plutôt que comme un droit.

Vous abordez à plusieurs reprises le féminisme. Vous considérez-vous personnellement comme féministe ? 

C’est une question que je me pose régulièrement, mais je dirais que non. Étant moi-même une femme, je suis naturellement en faveur de la défense de nos droits. Malheureusement, ce terme est actuellement trop lié à la lutte des femmes contre les hommes, il participe à la fragmentation de la société et mène à une forme de communautarisme que je ne soutiens pas. Je préférais défendre les femmes à travers une vision plus universaliste qui prône l’égalité des êtres humains devant la loi. En fait, il y a eu plusieurs étapes dans le féminisme. Tout d’abord les Suffragettes, qui étaient à l’origine du mouvement pour les droits civiques. L’étape suivante a été le « beauvoirisme », qui s’est traduit par la libération sexuelle et qui a débouché un peu plus tard sur un « néo-puritanisme » qui veut se protéger du mâle à tout prix. L’ultime évolution est le féminisme de Judith Butler, qui instaure la théorie du genre niant de facto la différence homme-femme sur le plan culturel et sexuel. On l’a vu avec la publication de Transmania par Dora Moutot et Marguerite Stern, certaines féministes s’insurgent de cette contestation de la différence homme-femme. Le problème est qu’il s’agit des mêmes femmes qui, à l’époque, défendaient cette idéologie et aujourd’hui s’étonnent de ses dérives. Ce refus de la biologie n’est pas nouveau : il était déjà présent dans les ouvrages de Simone de Beauvoir. 

Dans de nombreuses manifestations, on a pu voir des slogans tels que « all men are trash » ou « tous des violeurs, même papa ». Qu’est-ce que ces généralisations sur les hommes nous disent de ce nouveau féminisme ? N’y aurait-il pas au fond une détestation de la parentalité due à de mauvaises expériences familiales ?

Lorsqu’on lit Mémoire d’une jeune fille bien rangée deSimone de Beauvoir, on observe un rejet frappant de la maternité qui est parfaitement irrationnel et qui laisse penser que Simone de Beauvoir a elle-même vécut une expérience complexe vis-à-vis de sa propre mère et de son entourage. Elle réduit donc la maternité aux expériences qu’elle a vécues en la qualifiant de fardeau. Le rejet du masculin vient quant à lui d’un complexe idéologique au sein du féminisme, en réalité lié au complexe idéologique de gauche lié au marxisme : les féministes analysent la société à travers une grille de lecture dominant-dominé. Le prolétariat dominé par la bourgeoisie s’est par la suite transformé en femme dominée par l’homme. Or on ne peut envisager le bonheur des femmes dans le cadre d’une lutte permanente contre les hommes. 

On voit se développer un mouvement de retour au « cliché » de la mère au foyer à travers le phénomène des « tradwives » sur les réseaux sociaux. Qu’en pensez-vous ? 

Si certaines femmes souhaitent épouser ce modèle et qu’elles s’épanouissent dedans, alors c’est positif ! Cependant, il faut faire attention à ce que le mouvement des « tradwives » ne soit pas une pure réaction à l’idéologie féministe actuelle qui se veut étouffante et qui hystérise le débat. Pendant des années, les femmes ont été invitées à s’éloigner de la maternité, ce qui est contre-nature. En parallèle, ce mouvement né aux États-Unis semble se construire sur des bases négatives en réponse aux néo-féministes. Ce n’est pas parce que je défends la maternité que je suis pour le retour du cliché de la ménagère des années 50… L’idée est simplement de prendre la femme moderne telle qu’elle est et lui laisser la possibilité d’être mère, d’avoir autant d’enfants qu’elle le souhaite et de pouvoir combiner travail et maternité.

Une partie entière de votre livre est consacrée à la politique nataliste. Une telle politique est-elle envisageable ?

C’est une probabilité. Les politiques ont évoqué à plusieurs reprises le désastre démographique cette année. En France, nous sommes passés en dessous de la barre des 700 000 naissances face à 230 000 avortements par an. Avec la constitutionnalisation de l’IVG, on envoie un message complètement contradictoire lorsque l’on voit le taux de natalité spectaculairement faible. Emmanuel Macron a parlé d’un réarmement démographique mais il ne montre pas de véritable volonté politique. L’idée d’une politique familiale fera naturellement son chemin, notamment à travers l’amélioration des conditions de la maternité qui sont, dans l’état actuel des choses, aux antipodes du féminisme. Celui-ci a pour but que les femmes soient indépendantes financièrement et qu’elles travaillent. Or, si vous souhaitez retourner au travail après une grossesse, vous ne trouvez pas de place en crèche. 30 % des enfants sont gardés par des proches, et très souvent par la mère, qui est donc contrainte de rester à la maison. 

Que la constitutionnalisation de l’IVG nous dit-elle de la société française ? 

Il y a, en France, une véritable culture de la mort, particulièrement avec la vénération de l’avortement. L’IVG est presque placée au même rang que la devise républicaine. Si vous avez le malheur de remettre en question cette sacro-sainte loi, vous êtes immédiatement traité de fasciste ou de réactionnaire. On a fait de l’avortement une liberté. Il est donc évident que l’IVG est de facto assimilée à quelque chose de positif, alors qu’on parle tout de même de supprimer une vie en devenir. Il faudrait revenir à l’esprit de la loi Veil qui disait explicitement que l’on devait avoir recours à cette situation uniquement dans des cas d’extrême détresse. Cette constitutionnalisation montre que le féminisme est depuis ses origines orienté vers la détestation la maternité. L’enfant que la femme pourrait porter est perçu comme un étranger, un intrus potentiellement dangereux qu’il faut pouvoir supprimer. On dissocie ainsi la femme de la maternité.

Que répondriez-vous à une femme ne voulant pas d’enfant pour des raisons écologiques ? 

Je parle de nihilisme dans mon livre en faisant référence à cette écologie moderne qui perçoit l’espèce humaine comme une nuisance. En réalité, je pense que cette pseudo-écologie est un prétexte qui leur permet de dissimuler un fort individualisme et, en vérité, une volonté de ne pas vouloir s’encombrer de la charge d’un enfant. Les femmes qui se revendiquent écologistes sont les mêmes qui disent ne pas vouloir se priver de liberté. Si l’on était réellement dans une vision écologiste, on aimerait la vie, la nature, les animaux et on préserverait donc l’espèce humaine. Il y a encore une fois l’idée de convergence des luttes, qui se traduit ici par un oppresseur qui est l’espèce humaine. En réalité, le principe de convergence entre les luttes féministe et écologiste repose toujours sur le schéma dominants-dominés, et l’appel à une révolution pour renverser l’ordre des choses. Cela revient à opposer l’espèce humaine à la planète, comme on oppose l’homme à la femme. Mais il est clair qu’une vision aussi négative (résumée par le slogan “extinction rébellion”) ne permettra en rien de résoudre les problèmes écologiques et qu’il faudra en sortir si l’on veut réellement lutter contre le réchauffement climatique par exemple. Il faut pour cela repenser l’harmonie entre l’homme et la nature, et protéger la vie sous toutes ses formes

L’EFFACEMENT DES MÈRES, DU FÉMINISME À LA HAINE DE LA MATERNITÉ, Eve Vaguerlant, Éd. L’Artilleur, 18€

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