On estime généralement que l’entreprise contribue à l’essor des comportements emblématiques de la postmodernité tels que l’individualisme, le consumérisme, ou le court-termisme. Dans un récent ouvrage, Philippe Schleiter, consultant en management et lui-même entrepreneur, défend la thèse inverse. À le lire, l’entreprise constituerait, au contraire, une « ultime communauté humaine », voire « le creuset d’un réarmement moral ». Une vision pour le moins à contre-courant…
Dans votre dernier ouvrage vous affirmez que l’entreprise est le lieu où pourrait naître la plus vive réaction contre les idées molles qui caractérisent encore notre époque. Pour quelles raisons ?
Mon analyse part du constat que, conformément au mot du penseur révolutionnaire italien Antonio Gramsci, « la crise est ce qui sépare l’ancien du neuf ». Si bien que l’effondrement de 2008, loin d’être un accident de parcours, représente plutôt une césure comparable à celle du 11 septembre 2001. En 2008, tout un monde d’illusions s’est dissipé en révélant les béances d’une crise qui n’était pas seulement économique mais morale. Les dix dernières années écoulées signent notre entrée dans un nouveau monde porteur de défis, de compétitions et même d’affrontements qui ne pourront pas être relevés sans de nouvelles valeurs, nécessairement plus âpres et viriles que celles qui prévalaient auparavant. Or, cette prise de conscience s’est bien sûr manifestée avec une intensité particulière dans l’entreprise car elle était située au cœur de ce séisme.
Vous en déduisez que l’entreprise pourrait être le « laboratoire de ce réarmement moral ». Qu’est-ce qui la distingue des autres institutions ?
L’entreprise a pour elle la chance de ne pouvoir échapper au réel. Dans l’univers darwinien qui est le sien, le réalisme prévaut parce qu’il est une condition de la survie. Ainsi, pour prendre un exemple, je peux témoigner que les entreprises n’ont jamais (…)
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