Dans un ordre parfaitement arbitraire voici les cinq essais qui nous semblent, pour cette année 2019, se singulariser suffisamment pour que l’on puisse en redoubler l’éloge, à l’occasion d’un top 5.
Le Non du peuple
Benjamin Desmelay et Gabriel Robin
(Éditions du Cerf)
Ouvrage aussi dense que passionnant, le Non du Peuple entreprend de repenser, hors les clichés partisans, les enjeux d’une politique que le populisme traverse et qu’il ne peut à lui seul vivifier. C’est un populisme innovant que prône Gabriel Robin et Benjamin Desmelay, autrement dit un retour de la politique au sens noble, et pour ainsi dire aristotélicien.
De la France d’abord à la France seule, l’Action Française face au nazisme
Michel Grunewald
(Pierre-Guillaume de Roux)
Michel Grunewald a tout lu, à commencer par l’ensemble des numéros du journal L’Action Française. Il montre combien les choix des maurrassiens d’alors furent avant tout une tentative d’adaptation de leur doctrine anti germanique établie dès la fin du 19e siècle : l’ambition d’une « France d’abord ! » fondée sur un « nationalisme intégral » incarné par l’instauration d’une monarchie autoritaire. Il y eut donc bien refus du nazisme en même temps qu’aveuglement devant sa nature véritable, que Maurras a confondu avec un simple expansionnisme ; ce qui, par ailleurs, l’empêcha de saisir la différence entre son antisémitisme et celui de Hitler, et qui finalement contribua à lui faire accréditer ce dernier. Il n’en reste pas moins que la doctrine de L’Action Française était par nature opposée au « germanisme », une opposition qui a, selon l’auteur, empêché les maurrassiens de saisir la nature profondément originale et dramatique du national-socialisme.
Une Minute quarante neuf secondes
Riss
(Actes sud)
Rescapé de l’attaque terroriste islamiste du 7 janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo, Riss livre un témoignage bouleversant autour de ce crime politique et de son rapport à la mort. Livre contre l’oubli, mais aussi texte politique, on trouve ici une liste non exhaustive des Charlie d’alors (libertaires, voltairiens et… racistes) et une, plus longue, des anti-Charlie, notamment les chantres de la laïcité apaisée ou encore les divers délateurs d’islamophobie. Refusant catégoriquement le statut de victime, ce mot qui permet de mettre les innocents dans la même cellule que les coupables, Riss dresse un sombre constat car en dépit des démonstrations, l’attentat est loin d’avoir rendu les gens plus courageux. Un récit aussi dérangeant qu’essentiel sur notre époque étrange.
Le pacte des idoles, trois essais girardiens
Raphaël Barswyl
(Ad Solem)
Le « pacte des idoles » révèle le lien qui unit les anciennes idoles aux nouvelles, cette stratégie d’éblouissement qui oblige l’Homme a toujours avoir une idole de retard ; il démontre aussi que l’Eglise catholique est la seule entité capable de dénoncer le règne des idoles contemporaines. Vif, stimulant et enthousiasmant ce Pacte des idoles éclairera chacun dans les combats intellectuels qu’il mène. Une réussite.
Philosophie de l’antisémitisme
Michaël Bar Zvi
(Les provinciales)
Michaël Bar Zvi nous a quitté il y aura bientôt deux ans, en 2018, et c’est un des sommets de son œuvre que Les Provinciales ont réédité cette année. Cette philosophie de l’antisémitisme montre que c’est par ses manifestations que l’antisémite se définit et qu’il s’y réduit, qu’il incarne une espèce de contre mystère, d’anti secret, et par là le refus radical de toute origine. Ainsi, une philosophie de l’antisémitisme décrit d’abord une perspective phénoménologique, celle de l’antisémite, orpheline à la fois de toute métaphysique préalable et de but autre que celui de se confondre avec sa propre haine pour enfin y disparaître. Un livre magistral.
PS : Comme l’année dernière pas de flop, parce qu’il ne nous intéresse pas de parler de ce que nous avons détesté.