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Dès la scène d’ouverture, l’adaptation d’Akira pour le cinéma frappait les esprits. Entre l’animation parfaite de la course des bosozoku (gangs de motards typiquement nippons) de Néo-Tokyo, la musique de Shohi Yamashiro et Geinoh Yamashirogumi, revisite contemporaine des orchestres de wadaiko du théâtre kabuki, et les décors époustouflants d’une ville de verre et d’acier, le ton était donné : Akira serait le futur vu du Japon. Trente ans après, Akira n’a rien perdu de sa puissance d’évocation et de sa beauté. Pour le trentième anniversaire de sa sortie en salles, souvenons-nous de ce choc visuel et métaphysique.
Marquée par le traumatisme des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, l’œuvre de Katsuhiro Otomo est emblématique du manga. Ce genre a été importé progressivement en Europe à partir de la fin des années 1960, sous l’impulsion, notamment, d’Osamu Tezuka (Le Roi Léo, Astro, le petit robot). Beaucoup plus violent que les bandes-dessinées zens de Jiro Taniguchi, auteur du Sommet des dieux ou de Quartier Lointain, que les fables traditionnalistes et écologistes de l’immense Hayao Miyazaki, qui du Château dans le ciel à Princesse Monoké a su construire un univers cohérent suscitant l’admiration des critiques occidentaux, Akira est une dystopie trempée dans le cyberpunk et la peur de la Guerre Froide. Désenchanté, torturé et injuste, Akira ressemble à un avertissement lancé à la nouvelle génération.
« Si, vous pensez pouvoir synthétiser ce truc (l’aura) d’Akira, pouvez-vous m’assurer que nous serons capables de la contrôler cette fois ? (…) Les gens ont la mémoire courte. (…) J’ai l’impression qu’on ferait mieux de ne pas toucher à cette force », lance ainsi le colonel Shikishami au docteur Onishi, en charge du programme Akira. Ce à quoi ce dernier lui répond, « Nous ne pouvons plus reculer », avant que le colonel ne conclut, pensif et inquiet : « J’ai l’impression que nous repoussons l’ultime frontière. Il faut garder le contrôle à tout prix ». Ce dialogue est une métaphore parfaite des bouleversements technologiques sans précédent que nous connaissons depuis maintenant un siècle, vertigineux et peut-être imprévisibles, susceptibles d’entraîner un changement de la nature même de l’homme.
Membre du gang de Shotaro Kaneda et enfant de l’âge atomique, Tetsuo devient le sujet d’expériences de l’armée, après sa capture, en raison de ses prédispositions à maîtriser d’importants pouvoirs psychiques. Transformé en surhomme au terme du processus, son caractère violent et instable le rend totalement incontrôlable, ivre de rage et haineux, sa puissance rivalisant même avec celle d’Akira, créature mythique générant un culte étrange. Demi-dieu prométhéen, Tetsuo finira pourtant vaincu, alors que son ancien ami, Shotaro Kaneda, modèle de vertu héroïque traditionnelle, survit après l’avoir affronté au péril de sa vie.
Les dieux atomiques incarnés par les premiers sujets de l’expérience s’associent donc aux hommes pour détruire Tetsuo, dont l’esprit torturé et limité l’empêche de maîtriser l’illimité que sa nouvelle condition lui offrait. Dans un ultime sursaut, il se repent et redevient l’enfant qu’il était, se remémorant des instants de liberté au volant de sa moto, embrassant sa nouvelle forme de pur esprit immortel et omniscient : “Je suis Tetsuo”. Un final déchirant illustré par des scènes de transformation physique typique de l’art japonais, les corps se disloquant au contact du métal, les chairs s’étendant à l’infini ; comme pour édifier le spectateur sur la condition tragique de l’homme et les barrières que lui imposent son enveloppe charnelle.
Si vous n’avez pas vu Akira, faites-le. Si vous l’avez déjà vu, regardez-le à nouveau. Le conte d’Otomo n’a pas fini de nous parler…
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