Cette décision de retrait, pour rappel, avait néanmoins été cassée un an plus tard, en 2016, par le Conseil d’État qui avait ainsi permis à Pascal Houzelot de réaliser un incroyable jackpot grâce à la vente de la société Diversité TV France, détentrice de la fréquence TNT de la chaîne « Numéro 23 » (aujourd’hui rebaptisée « RMC Story ») au groupe NextRadioTV (Groupe Altice), mais cela ne semblait apparemment pas suffisant pour Pascal Houzelot.
Cette vente de 78 millions d’euros avait en effet permis à Pascal Houzelot, fondateur de la société Diversité TV France, pour laquelle il n’avait initialement investi que 10.000 €, de faire fortune après seulement deux ans et demi d’activité de sa société.
Si aujourd’hui la promotion de la « diversité », objet initial pour lequel cette fréquence avait été initialement attribuée à la société Diversité TV France n’est plus qu’un lointain souvenir (RMC Story n’étant qu’un canal télévisuel supplémentaire de diffusion des programmes de la radio RMC) le silence du CSA, désormais présidé par Roch-Olivier Maistre, sur cette affaire reste toujours mystérieux au vu des derniers éléments dont dispose également le parquet financier où l’enquête, après le départ du juge Van Ruymbecke, a été reprise par Régis Sommerer.
Le CSA dispose en effet de nouveaux éléments qui n’avaient pas été soulevés en 2016 devant le Conseil d’État et la section du contentieux alors présidée par Bernard Stirn. Alors que ces nouveaux éléments pourraient permettre au CSA d’engager de nouvelles actions contre la société Diversité TV France, détentrice de l’autorisation d’émettre de la chaine nouvellement nommée « RMC Story » et désormais propriété du groupe Altice, il semblerait qu’à la Tour Mirabeau cette affaire soit rangée sous le tapis, l’institution étant toujours sous le coup du traumatisme causé par le pire revers judiciaire de la précédente présidence d’Olivier Schrameck.
En d’autres termes, le 27 mars 2012, à l’issue d’un long processus de candidature, le CSA a choisi d’attribuer une fréquence publique TNT à une société qui n’existait pas ! Une première dans l’histoire du droit français…
Cette vente record était en effet d’autant plus extraordinaire que les conditions juridiques pour sa réalisation n’étaient pas réunies et ce, sans que les instances de contrôle ne s’en aperçoivent.
En effet, par une décision du 18 octobre 2011, le CSA avait établi des conditions de recevabilité bien précises pour concourir à l’appel d’offres ayant pour objet l’attribution de nouvelles autorisations de fréquence. Il était notamment exigé qu’avant le 10 janvier 2012, date limite de dépôt des candidatures, les candidats qui n’avaient pas encore de société immatriculée apte à se faire attribuer la fréquence, devaient justifier de statuts signés impliquant une immatriculation imminente au registre du commerce et des sociétés.
Ainsi, le 27 mars 2012, jour de désignation du candidat retenu, par assemblée plénière du CSA, tous les candidats étaient censés être des sociétés existantes dont les statuts constitutifs devaient avoir été signés antérieurement au 10 janvier 2012.
Or, la consultation de l’annonce légale de création de la société Diversité TV France, et des statuts déposés au greffe du Tribunal de commerce de Paris, nous indiquent que ces statuts constitutifs ont été signés le 12 avril 2012 (soit trois mois après la date limite), pour une immatriculation en date du 16 avril.
En d’autres termes, le 27 mars 2012, à l’issue d’un long processus de candidature, le CSA a choisi d’attribuer une fréquence publique TNT à une société qui n’existait pas ! Une première dans l’histoire du droit français…
On peine également à comprendre comment il a été possible que le 8 mars 2012 Pascal Houzelot soit auditionné par le CSA en qualité de « président » d’une société inexistante, sans que cela ne lui soit opposé par personne.
Aujourd’hui encore, le CSA n’a pas fait la lumière sur les causes qui ont permis à Pascal Houzelot d’obtenir une autorisation de fréquence alors que la candidature de son projet n’était pas recevable.
En 2015, apprenant que Pascal Houzelot comptait vendre sa société Diversité TV France au groupe NextRadioTV (Groupe Altice), le CSA retirait à Diversité TV France l’autorisation d’émettre, non en invoquant le vice de procédure évident que nous relevons, mais en se fondant sur un moyen de droit extrêmement difficile à caractériser : l’abus de droit entaché de fraude.
Lire aussi : Affaire Numéro 23 : Pascal Houzelot obtiendra-t-il 20 millions d’euros d’argent public ?
Le 30 mars 2016, le Conseil d’État, saisi par Pascal Houzelot, tranchait cependant en faveur de la société Diversité TV France, en concluant que la fraude invoquée par le CSA n’était pas démontrée et qu’en conséquence, le retrait d’autorisation de fréquence n’était pas justifié.
Là aussi on ne peut que s’étonner, bien que ces éléments n’aient pas été soulevés par le CSA en 2016, qu’aucun membre de la section du contentieux du Conseil d’État, plus haute instance en matière de droit public, n’ait relevé que tout au long du processus de sélection de la chaîne par le CSA en 2012, la société candidate était une société fantôme dont les statuts constitutifs n’étaient même pas signés alors que d’un simple clic sur le site internet Infogreffe tout un chacun peut lui même le constater…
La jurisprudence en la matière est par ailleurs sans appel (Conseil d’État, 5/3 SSR, 13 mai 1991, 105759) :
« seules peuvent bénéficier d’une autorisation d’usage de fréquence pour la diffusion d’un service de radiodiffusion sonore, les sociétés, fondations ou associations qui, ayant fait acte de candidature en leur nom propre, ont été régulièrement inscrites sur la liste des candidats arrêtée par la commission […] ; qu’il s’ensuit que la commission était tenue, tant de rejeter les candidatures des sociétés « SARL Skyrock Abbeville », « SARL Skyrock Boulogne » et « SARL Skyrock Saint-Quentin », dont il n’est pas contesté qu’elles n’ont jamais été constituées, que d’opposer une fin de non-recevoir à la candidature de la société « SARL Radiosat », qui n’avait pas présenté une candidature dans les conditions prévues par les dispositions précitées »
Mieux, dans une décision du 25 mars 1994, le Conseil d’État est encore plus explicite (CE Association « Porte-voix », 123917 ; 131956), en jugeant illégale une autorisation délivrée à une association qui n’avait pas été régulièrement déclarée à la date limite de dépôt des demandes d’autorisation, ainsi que l’exigeaient les textes applicables.
L’autorisation accordée en méconnaissance du règlement fixant les conditions de candidature est jugée illégale.
Grâce à sa victoire judiciaire en 2016, Pascal Houzelot est aujourd’hui un homme richissime qui a finalement réalisé la vente de sa société pour la somme de 78 millions d’euros mais l’histoire ne semble donc pas finie à plus d’un titre
Ainsi, la jurisprudence administrative n’autorise aucune dérogation ni aucune régularisation en cas de violation du règlement fixant les conditions de candidature. Comme le confirme cette jurisprudence constante, l’autorisation délivrée à la société DIVERSITÉ TV FRANCE est illégale, puisque le règlement fixant les conditions de candidature n’a pas été respecté.
Si l’affaire a bien été jugée en plein contentieux en 2016 devant le Conseil d’État, ces éléments n’ayant ni été soulevés ni jugés, ils pourraient tout à fait faire l’objet d’une nouvelle procédure par le CSA de retrait de l’autorisation d’émettre accordée à la société Diversité TV France, détentrice de la fréquence portée par RMC Story, et désormais propriété du groupe Altice. Au moment où le successeur de Bernard Stirn, Jean-Denis Combrexelle, vient lui-même d’être remplacé par Christophe Chantepy, l’affaire pourrait donc sous un autre volet rebondir à nouveau devant le Conseil d’État.
Ironie de l’histoire, le rapport de la commission d’enquête parlementaire présidée par Marcel Rogemont portait sur les conditions d’attribution de cette fréquence mais n’avait pas non plus relevé ces éléments… Grâce à sa victoire judiciaire en 2016, Pascal Houzelot est aujourd’hui un homme richissime qui a finalement réalisé la vente de sa société pour la somme de 78 millions d’euros mais l’histoire ne semble donc pas finie à plus d’un titre. Comment réagirait Alain Weill si son acquisition, pour le compte d’Altice, devenait à terme caduque ?
N’oublions pas Fiducial Médias, concurrent du projet d’Houzelot en 2012, qui s’est constitué partie civile en mars 2017, avant de saisir le parquet national financier et de déposer plainte contre X pour abus de confiance. Finalement RMC Story porte bien son nom.