« Un homme courtois ne met pas son couteau et sa fourchette dans l’assiette de son voisin », a déclaré Wang Yi, le ministre des Affaires Étrangères de la République populaire de Chine, le 22 février, au cours du Forum de Lanting, événement international organisé chaque année par son ministère. Face aux délégations étrangères, le haut fonctionnaire chinois s’est tour à tour montré conciliant et menaçant, évoquant la nécessité d’une « coexistence pacifique » entre la Chine et les États-Unis, du moment que chacune des deux parties respecte le principe de non-ingérence dont Pékin souligne l’importance, tant au sujet de la mise au pas de la trop libérale Hong-Kong que de la répression qui s’exerce contre les Ouïghours du Xinjiang. Xi Xinping avait eu beau mettre en garde contre une « nouvelle guerre froide », lors de son discours d’ouverture à Davos le 25 janvier, la harangue prononcée un mois plus tard par son ministre des Affaires Étrangères fleurait bon les années 1970, il allait jusqu’à citer la visite, 40 ans auparavant jour pour jour, du président Richard Nixon dans la Chine maoïste.
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Le ton des discours prononcés deux semaines plus tard, le 5 mars, au cours de la réunion annuelle du Congrès national du peuple, face à 3 000 députés chinois masqués, n’a pas effacé l’impression de replonger dans une nouvelle guerre froide, en dépit des assurances de Xi Xinping à Davos. Devant la plus grande législature au monde, chambre d’enregistrement des décisions prises au sein des plus hautes instances du Parti communiste chinois, le premier ministre Li Keqiang a fixé les objectifs de croissance pour 2021 à 6 %, avec un budget militaire à 6,8 % du PIB (le deuxième au monde derrière celui des États-Unis). Et le ministre des Affaires Étrangères a tracé de façon beaucoup plus claire qu’à Lanting la ligne rouge pour Pékin : aucune concession sur Hong-Kong, aucune au Xinjiang, aucune en mer de Chine.
« L’art de la guerre, c’est soumettre l’ennemi sans combat », écrivait Sun Tzu il y a 2 500 ans
Partout, des « nouvelles routes de la soie » en Asie centrale jusqu’au « collier de perles » des bases chinoises qui s’étend désormais sur le pourtour de l’Océan indien jusqu’à Djibouti, la Chine doit faire valoir son droit à devenir une nouvelle puissance globale. Les 100 ans du PCC, qui seront commémorés en 2021, « ne sont que le préambule d’une grande œuvre millénaire », a déclaré Wang Yi au China Daily, organe quasi officiel du parti. Face à une Amérique affaiblie et à une Europe impotente, les visées expansionnistes de Pékin se font désormais sentir jusque sur le continent africain. « L’art de la guerre, c’est soumettre l’ennemi sans combat », écrivait Sun Tzu il y a 2 500 ans. Pas la peine de planter sa fourchette dans l’assiette du voisin à partir du moment où l’on est seul en mesure de décider si on lui laissera ou non une assiette.