« Well, there, those people, I really want to fuck them », pouvions-nous lire hier sur le compte twitter de Laurence ‘Miss America’ Haïm. Elle ne citait pas un dialogue des Affranchis de Martin Scorsese, mais bien le président de la République. Pas Donald Trump ou Jair Bolsonaro ; Emmanuel Macron, le si centriste énarque passé par la banque Rothschild. La traduction approximative de madame Haïm, qui a visiblement utilisé l’application Reverso pour arriver à ce comique résultat, ne trahissait toutefois pas le sens général du propos d’Emmanuel Macron dans un entretien accordé au journal Le Parisien que nous reproduisons ici :
« Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie. Je ne vais pas les mettre en prison, je ne vais pas les vacciner de force. Et donc, il faut leur dire : à partir du 15 janvier, vous ne pourrez plus aller au restau, vous ne pourrez plus prendre un canon, vous ne pourrez plus boire un café, vous ne pourrez plus aller au théâtre, vous ne pourrez plus aller au ciné. (…) c’est l’immense faute morale des antivax : ils viennent saper ce qu’est la solidité d’une nation (…) Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen. »
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Voilà qui donne le ton de l’entrée en campagne d’Emmanuel Macron, un président-candidat qui ne démentira sûrement pas les traits les plus saillants de sa personnalité. N’allez pourtant pas y voir l’impulsion d’un homme incontrôlable, ivre de sa puissance temporelle. Tout est étudié, calculé et travaillé dans cette communication. Emmanuel Macron n’est pas homme à agir sans avoir longuement réfléchi. Son actuel ministre de l’Intérieur avait autrefois qualifié la dialectique politique macronienne de « bobopopulisme », c’est bien cette dimension populiste qui est ici à l’œuvre. En clivant et en traçant de nouveaux blocs politiques, dans la continuité du clivage qu’il avait entretenu entre la partie « progressiste » de la population et les Gaulois réfractaires à la nouveauté, Emmmanuel Macron refait le coup des Gilets jaunes.
Il compte s’appuyer sur la « majorité silencieuse », vaccinée et agacée par une minorité de Français désignée comme étant la cause des embouteillages dans les salles de réanimation des hôpitaux. Pis, ces antivax, comme on les nomme, pourraient être à l’origine de nouvelles mesures restrictives que le saint occupant de l’Élysée ferait tout pour éviter, tant il souhaite ne pas « emmerder » les Français respectueux des règles du jeu qu’il a lui-même édictées. D’un virus qui aurait pu achever un quinquennat difficile, Emmanuel Macron a créé un enjeu politique majeur en s’appuyant sur des idiots utiles, qui au lieu de s’opposer rationnellement, s’abandonnent à des fantasmes, allant jusqu’à nier l’existence même de la maladie.
Après avoir réduit les libertés publiques comme jamais auparavant, instaurant un État d’urgence sanitaire permanent et une société du contrôle hygiéniste, Emmanuel Macron devient le champion de la « vie d’avant retrouvée » en désignant une caste de boucs-émissaires … pourtant très largement minoritaire, comme il se plaît lui-même à le rappeler. Une catégorie de Français presque sortis de la citoyenneté, voués aux gémonies en des termes d’une rare violence qu’il n’avait pas osé employer à l’égard des terroristes islamistes de nationalité française. Pour rappel, évoquant d’éventuelles déchéances de nationalité à prononcer contre les terroristes ressortissants français, Emmanuel Macron avait dit : « Le mal (les terroristes) ne doit pas être exclu de la communauté nationale ».
L’idée d’Emmanuel Macron est bien de laisser ses oppositions s’arc-bouter autour d’une minorité de plus en plus mal perçue par la population générale, lui se chargeant d’incarner le bon sens de la majorité silencieuse qui ne fait pas de bêtises
Quid d’ailleurs de tous les irresponsables ? Ceux qui boivent trop d’alcool, se droguent, se nourrissent de fast-food, conduisent imprudemment, oublient de porter des préservatifs lors de relations épisodiques, ne traversent pas dans les clous, etc ? Sont-ils toujours nos concitoyens ? Pour être réélu, Emmanuel Macron sait bien qu’il doit diviser, fragmenter l’opinion, en comptant sur la plus forte part de la population à laquelle il a emprunté le langage : populaire, agacé. Nombre d’entre nous serons choqués, mais, en silence, ils seront aussi nombreux à se dire : « Il a raison, marre de tous ces connards qui nous emmerdent et nous empêchent de boire des canons ! ». Ils ne se trouvent d’ailleurs pas que dans les rangs de ceux qu’on désigne par l’imprécis sobriquet de « boomers ».
L’idée d’Emmanuel Macron est bien de laisser ses oppositions s’arc-bouter autour d’une minorité de plus en plus mal perçue par la population générale, lui se chargeant d’incarner le bon sens de la majorité silencieuse qui ne fait pas de bêtises. Un procédé qui lui a joué des tours sur d’autres sujets, à commencer par les questions identitaires. Il séduit les conformistes en leur faisant penser qu’ils sont anticonformistes, ennemis des reliquats des Gilets jaunes devenus des opposants au vaccin occupant les rues des centres de villes le week-end quand monsieur et madame tout le monde entendent paisiblement faire leur marché. Toute cette agitation est bien pratique pour réunir son socle au premier tour et une majorité au second. Mieux encore, le covid permet de ne plus parler de politique, de ne plus parler de la vie de la Cité, de la fin du mois et de la fin de notre monde en donnant l’illusion que ces enjeux historiques et anthropologiques se réduisent à un virus à couronne chinois … certes tenace mais dont nous finirons par venir un jour à bout.
Pendant que la droite fait de la morale, il fait de la politique. À ce petit jeu, il est malheureusement pour nous très doué. Il a d’ailleurs bien compris qu’il ne fallait pas plaire à tout le monde, quand il suffit d’être moins haï que ses adversaires le jour J.