Nous sommes en 1600, en Silésie, dans la petite ville de Görlitz, charmante bourgade nichée sur les contreforts des Alpes de Bohème. Jacob vit à proximité des remparts, près de la porte de Neisse où les artisans tiennent habituellement leur commerce. Fils d’un propriétaire terrien, il vient de terminer sa formation de cordonnier et entame sa carrière avec enthousiasme. D’autant qu’il vient d’épouser Katerine Kuntzschmann, la fille d’un des plus émérites bouchers de la ville. Tout irait pour le mieux si Jacob Boehme n’avait pas depuis longtemps ce pressentiment de Dieu qui le hante et qui menace d’éclater à chaque instant. Ce matin-là, ses yeux se posent sur un vase d’étain dans son atelier, sur lequel joue la lumière dorée du jour. La surface du vase et sa courbe si soigneusement manufacturée, la poussière qui danse dans les rayons et les reflets changeants du monde sur l’orbe, tout cela devient en un instant l’alpha et l’oméga d’une illumination théurgique qui bouleversa durable- ment l’aimable cordonnier. Comme il le dira plus tard, Jacob Boehme en apprend davantage en un quart d’heure qu’en dix ans à l’université. Car ce qu’il apprend en posant son regard sur le vase ne relève pas de la connaissance mais de l’expérience, c’est un savoir qu’on ne peut pas transmettre, mais dont on peut seulement tenter de consigner la réalité. [...]
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