Skip to content

Joker, Folie à Deux : Embarrassante purge

Par

Publié le

1 octobre 2024

Partage

Forts d’un premier succès planétaire, Todd Phillips et Joaquin Phoenix remettent le couvert et nous imposent encore une fois leur Joker pleurnichard, cette fois flanqué d’une Harley Quinn « gaga-isée ». C’est toujours aussi raté.

Faire du « Joker », éternel némésis de Batman, une sorte de fils à maman geignard, la victime semi-autiste d’un monde forcément hostile et peuplé de tristes sires pas vraiment portés sur l’inclusivité, c’était le projet – grotesque – du premier opus de Todd Phillips, grosse surprise au box-office. Il faut dire que l’air du temps est effectivement à la victimisation, à la psychiatrisation et à l’éloge de la fragilité. Pas étonnant dans ces conditions que le personnage incarné par Joaquin Phoenix rencontre auprès du grand public un écho aussi passionné. Signe du temps navrant : aujourd’hui même les « super-vilains » sont de petites choses fragiles en quête de reconnaissance.

Lire aussi : Emmanuelle : L’ingénue réinventée

Là où le Joker de Tim Burton était une créature quasi-mythologique (le fameux « trickster » des Celtes), celui de Christopher Nolan une créature morale (qui d’ailleurs mentait constamment sur les origines de sa haine, preuve que les causes psychologiques du mal sont relatives et finalement peu intéressantes), celui de Todd Philips est une créature entièrement pathologique. Il n’existe et n’agit que pour illustrer un traumatisme, pour incarner un cas d’école, celui d’un pauvre type qui prend sa revanche après avoir été un peu trop bizuté par ses voisins. Dès lors, toutes les conséquences morales de ses actes (il a tout de même commis 6 meurtres) sont effacées comme par magie tout au long de ce deuxième opus, qui se voudrait à la fois un film d’amour et un film de procès à l’ancienne. Manque de bol, il n’est ni l’un ni l’autre. De sa passion avec la future Harley Quinn (Lady Gaga, qui écarquille les yeux pour avoir l’air inspirée), on ne comprendra rien, puisque les deux zigues s’embrassent passionnément au bout de leur deuxième rencontre… Todd Phillips ne faisant à peu près aucun effort pour nous faire croire à leur histoire d’amour, si ce n’est iconiser les deux stars dans une esthétique à la Broadway – c’est-à-dire lourdingue et complètement creuse. C’est le drame des réalisateurs actuels, qui estiment qu’il suffit de faire dire à deux personnages qu’ils s’aiment pour qu’on les croit…

Le cinéma, c’est-à-dire la mise-en-scène, sert justement à ça. Pas de mise en scène ici, juste des plans pour faire jolis, un montage lacrymal et les grimaces pénibles de Joaquin Phoenix

Et bien non, le cinéma, c’est-à-dire la mise-en-scène, sert justement à ça. Pas de mise en scène ici, juste des plans pour faire jolis, un montage lacrymal et les grimaces pénibles de Joaquin Phoenix, qui semble avoir des problèmes d’aérophagie  tout au long du film à forcer de serrer les lèvres. Quant au film de procès, il tourne court également. On tenait pourtant un bon concept : filmer de façon « réaliste » le procès d’un génie du mal sorti d’un comic book. Las, Todd Phillips supprime tous les enjeux moraux d’une telle idée en bottant encore une fois en touche : ainsi le film est constamment entrecoupé des rêveries du Joker, et les moments « réalistes » ne sont là que pour servir sa cause, soulignant au stabilo à quel point le monde est cruel pour ces gentils autistes/sociopathes/gogols à haut potentiel. Quant à ceux qui s’attendraient à une comédie musicale et aux fans de la chanteuse Lady Gaga, qu’ils passent leur chemin également : on aura tout juste droit à quelques chansonnettes mal filmées et à une reprise embarrassante de Brel en guise de lettre d’amour.

Lire aussi : Megalopolis : De cendres et d’or

Qu’on soit bien d’accord : décrire des « méchants » de façon romantique ou élégiaque n’est pas répréhensible. Tim Burton l’avait bien fait dans ce qui restera son meilleur film, Batman Le Défi, où Catwoman et le Pingouin sont d’une humanité et d’une beauté bouleversantes. Non, toute la rouerie et la paresse de Todd Philips est de justifier arbitrairement les comportements déviants par un bilan psychologique, de faire du mal une simple variable dans un cheminement existentiel, et en l’isolant de toutes les contingences universelles – qu’elles soient mythologiques ou morales, justement. Ne reste qu’un feuilleton insipide aussi captivant qu’un soap opera, dans lequel aucun des deux personnages principaux n’existent.  Ce Joker : Folie à 2 est non seulement une purge, mais il est aussi moralement assez dégueulasse. A fuir.

EN KIOSQUE

Découvrez le numéro du mois - 6,90€

Soutenez l’incorrect

faites un don et défiscalisez !

En passant par notre partenaire

Credofunding, vous pouvez obtenir une

réduction d’impôts de 66% du montant de

votre don.

Retrouvez l’incorrect sur les réseaux sociaux

Les autres articles recommandés pour vous​

Restez informé, inscrivez-vous à notre Newsletter

Pin It on Pinterest