« En ployant le genou devant les hommes, vous vous inclinerez devant notre Histoire. […] Vous êtes les gardiens de cet héritage. Vous êtes les dépositaires de cette dette d’honneur. » Ces mots, aussi beaux soient-ils, sortent de la bouche du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau lors de la cérémonie des sabres à l’Académie militaire de la Gendarmerie nationale, à Melun.
Ce 13 décembre, jour de nomination de François Bayrou à Matignon, le « premier flic de France » a bravé le froid et le contexte politique pour passer en revue la promotion des jeunes élèves officiers de la gendarmerie. Une sortie loin des projecteurs et de la presse qui traduit sa mue présidentielle. Tout y est. La tenue, l’air grave et impliqué, la verve et un homme qui ne rompt pas devant la tempête politique qui traverse le pays. Dix jours plus tard, il sera l’un des rares ministres à être reconduits.
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Il faut dire que sa première prise de fonction, le 21 septembre dernier, n’était pas de tout repos. Le lendemain de sa nomination en septembre dernier, Bruno Retailleau apprend le meurtre de la jeune étudiante Philippine au bois de Boulogne.
Informé deux fois par jour de la situation sécuritaire du pays avec des comptes-rendus des crimes et délits survenus les heures précédentes, l’ancien sénateur côtoie de plus près ce que certains appellent le « réel ». Et face à une telle exposition, qui ferait tomber une majorité de personnes dans la dépression, Bruno Retailleau, lui, refuse « de tomber dans la fatalité ».
Retailleau touch
Une lourde charge implique de bons maréchaux. Le Vendéen s’est donc entouré d’une garde rapprochée d’anciens villiéristes pour composer son cabinet. Comme pour conjurer le sort. Bruno Retailleau s’est réconcilié avec son mentor historique Philippe de Villiers lors du départ des skippeurs du Vendée globe. Une bisbille qui durait depuis 2009. Le fondateur du Puy du Fou n’avait pas trouvé mots assez durs à l’endroit de son jeune poulain lors de la campagne des régionales de 2015 : « La preuve est faite que la Vendée n’était, pour mon successeur, qu’un tremplin. L’ivresse du pouvoir l’emporte loin de ses racines. »
Imprimer sa marque de fabrique et vite. Le nouveau locataire de la place Beauvau a rapidement compris l’intérêt d’un tel ministère. Le dimanche suivant sa nomination, Bruno Retailleau était l’invité de Darius Rochebin pour donner une interview d’une rare fermeté, affirmant être « 1 000 fois pour » un référendum sur l’immigration, déclarant que cette dernière « n’est pas une chance pour la France » et assurant « utiliser tous les leviers possibles » pour appliquer les obligations de quitter le territoire (OQTF), notamment vis-à-vis de l’Algérie.
Pourtant, son premier échec, qualifié de « désaveu cinglant aux rodomontades de ce ministre va-t’en guerre » d’après la presse algérienne, n’est autre que l’expulsion de l’influenceur Boualem N., dit « Doualemn », vers son pays d’origine. L’affaire est un camouflet, faisant de la France le crachoir de l’Algérie. Bruno Retailleau monte le ton mais semble bien impuissant face à la situation. Du moins, c’est ce que pense la députée Laure Lavalette. « Le problème majeur de Bruno Retailleau, c’est qu’au-delà de la volonté, il n’a aucun moyen matériel, politique, constitutionnel, diplomatique et administratif… », toise-t-elle sur X.
« Le dernier espoir de notre famille »
« Bruno Retailleau est le dernier espoir de notre famille politique », souffle un militant Les Républicains qui a eu l’occasion de le rencontrer maintes fois. Il faut dire que les chefs à plumes du parti ont engagé une guerre picrocholine, renvoyant à leurs militants la triste réalité d’une maison en ruines.
Après trois échecs consécutifs à l’élection présidentielle et le départ d’Éric Ciotti, Les Républicains traverse une crise interne. Laurent Wauquiez, pressenti pour représenter le parti à la prochaine présidentielle, tarde à annoncer la composition du nouveau bureau, ce qui suscite l’agacement de certains poids lourds comme David Lisnard, maire de Cannes, et François-Xavier Bellamy, député européen. Au milieu de ces rivalités et incertitudes, Bruno Retailleau semble être le seul à rallier le soutien unanime des militants, offrant une rare lueur de stabilité dans cette période troublée.
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Le président de la région Rhône-Alpes doit, malgré lui, composer avec la nouvelle coqueluche de la droite. « Trop souvent, on nous a envoyé en première ligne pendant les élections comme des kamikazes électoraux, sur des candidatures perdues d’avance », balaye Emmanuelle Brisson, figure montante des jeunes LR. Avant d’ajouter : « Trop souvent nos dirigeants parlent de nous dans leurs discours mais ne nous donnent pas notre chance. Résultat ? On n’est plus très nombreux. »
Ce 13 janvier, Les Républicains organisaient une soirée sur la péniche du bistrot Alexandre III dont Bruno Retailleau était l’invité. Devant 150 ouailles venues rencontrer le ministre star, l’intéressé déroule : « Quand on est gaulliste, on ne fuit pas devant les responsabilités […] On ne se planque pas quand la France est au bord du gouffre ! » Et un jeune militant LR de conclure : « J’espère qu’il ira, je ne vois personne d’autre… » Laurent Wauquiez appréciera.