Assis par terre vêtus pour l’essentiel de leurs tatouages, les mains liées dans le dos, le crâne rasé, le front plaqué contre l’échine de celui qui les précède. Dans le hall de la prison, les rangées de détenus prosternés semblent une seule créature annelée, lombric ou ténia géant formé d’hommes les uns dans les autres encastrés, preuve de l’excellence du modèle répressif appliqué depuis 2023 au Cecot, Centro de Confinamiento del Terrorismo créé par le président salvadorien Nayib Bukele. Ses 40 000 internés font à la fois horreur et pitié. Les mareros, hommes de main et tueurs à gages des gangs, constituent « la lie de la terre ». Cette lie, ils l’arborent. Épaules, poitrail, ventre et pectoraux, bras et jambes, cou, dos, menton, nez, joues, nuque, tempe et front sont ornés de défis et de menaces adressés à la société. Rudimentaires ou peaufinées, ces œuvres d’art misérable professent leur appartenance à une anti-humanité. Le châtiment forcené infligé au Cecot entérine cette revendication. Les détenus, marqués par eux-mêmes pour l’ostracisme, sont retranchés de l’espèce par simple décision administrative arbitraire, sans jugement contradictoire, sans avocat. […]
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