Directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), Pierre Manent est un spécialiste reconnu de philosophie politique. Son essai La loi naturelle et les droits de l’homme, publié en mars 2018, réhabilite magistralement la nécessité pour nos sociétés de s’enraciner dans une loi commune qui transcende les droits individuels. Partie 2/2.
Le christianisme et les droits de l’homme
Le christianisme ne comporte-t-il pas en son sein un principe de dissolution du fait social ?
Le christianisme peut en effet apparaître comme un dissolvant, dans la mesure où il interdit toute sacralisation des associations humaines. Avant le christianisme, toutes les sociétés humaines étaient tenues par une religion commune ; la cité était inconcevable sans la religion de la cité, comme l’empire était inconcevable sans la divinisation de l’empereur. La religion était une partie de l’ordre politique. Dès lors, le christianisme, qui s’adresse à tous les hommes, peut être perçu comme l’ennemi de toutes les associations politiques, c’est le reproche qui court de Celse à Rousseau et au-delà. La désacralisation de la cité humaine procède de ce que le christianisme apporte une autre cité incomparablement plus «associante», vaste et profonde que toute cité humaine : l’Église ou la cité céleste. Le trait absolument original de cette nouvelle cité, c’est que ses membres, les citoyens de la cité de Dieu, sont recrutés un à un dans toutes les cités humaines: le chrétien est toujours un païen, ou un juif, converti.
Le reproche des politiques, c’est que le christianisme divise le citoyen-chrétien entre [...]
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