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Il y a deux types de personnes qui osent tout : les cons… et Lars von Trier. Banni pendant sept ans du Festival de Cannes après sa boutade « I am a nazi », le génie scandinave a recouvré le droit, au printemps dernier, de présenter son dernier film, The House that Jack built. Entré sous les ovations en guise d’absolution, Lars von Trier est ressorti cent cinquante-cinq minutes plus tard dans le demi-silence gêné de ceux qui étaient restés jusqu’au bout.
Lorsqu’on débarque après sept ans de purgatoire pour blague nazie en louant la perfection des Stuka (les bombardiers allemands de la seconde guerre mondiale) ou le génie d’Albert Speer, c’est qu’on ne partage vraisemblablement pas le goût général pour la repentance… Lars von Trier n’a pas changé et heureusement. Le film s’ouvre sur un écran noir, un homme s’adresse à « Verge », dont on découvrira l’identité à la fin, pour vanter ses exploits en décrivant « cinq incidents choisis au hasard » – cinq meurtres. Après son Nymphomaniac, Lars Von Trier annonce le programme, toujours aussi brutal, puisqu’il s’agit d’immerger le spectateur dans l’esprit d’un serial killer. À nous, spectateurs, de jouer le jeu ou non, mais le cinéaste nous prévient et ne prend personne en traître.
En se débarrassant rapidement des raisons et des circonstances qui ont conduit Jack à devenir ce qu’il est – il reste absurde et vain d’expliquer les actes d’un fou – le réalisateur se concentre sur son récit avec une précision d’orfèvre, le geste du meurtre devenant un exutoire à son trouble obsessionnel compulsif. Sa mise en scène tranche avec l’ivresse stylistique de Melancholia ou d’Antéchrist, il privilégie le naturalisme avec sa caméra organique à hauteur de vue d’un psychopathe, ce qui lui permet d’éviter aussi toute esthétisation complaisante. Les procédures, les enquêtes, les poursuites, Lars Von Trier s’en fiche tout autant que Jack se fiche d’être intercepté par les flics. Seule compte l’exploration d’un cerveau psychopathe, sans plaisir sadique, sans fascination, mais avec une parfaite maitrise de la distance, afin de nous montrer l’irregardable sans nous écœurer totalement.
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Jack conçoit ses meurtres comme des œuvres d’art, il met en scène ses victimes (parfois même au point de pratiquer la taxidermie sur un gamin), les photographie et envoie les clichés aux journaux locaux après les avoir signés « M. Sophistication ». Mais cette esthétisation n’est qu’un prétexte, « Il n’y a pas d’art sans amour », affirme le mystérieux Verge. En dépit de ses exercices de style, le cerveau d’un serial killer se révèle aussi vain et ennuyeux que celui d’une nymphomane, et le réalisateur en profite pour dresser le bilan de son œuvre, entre auto-flagellation et bras d’honneur. Comme Bob Dylan chantait en portant les pancartes de ses textes dans Subterranean Homesick Blues, Jack expose sur ses pancartes les critiques que subit Lars Von Trier: vulgaire, impulsif, égoïste et une foule d’autres compliments…
Toujours vivant, toujours débout, Lars Von Trier est revenu sur les lieux du crime non pas pour expier ses fautes mais pour narguer ses procureurs.
Défiant les procureurs qui l’accusent de misogynie, en pleine année #MeToo le cinéaste choisit pour « cinq incidents choisis au hasard », cinq meurtres de femmes avec en apothéose le découpage de nichon d’une demoiselle surnommée « simple », qui suit un discours de Jack se plaignant de cette manière moderne de toujours accuser les hommes et victimiser les femmes. On lit à travers les multiples bifurcations la ligne directrice du film de Lars von Trier qui est celle de la satire, une satire où toutes les moqueries sont permises, y compris contre le réalisateur lui-même qui glisse, mégalo névrosé, des extraits de ses propres films parmi des images d’archives de dictateurs afin, d’illustrer l’argumentaire de Jack sur la similitude entre l’acte de tuer et l’acte artistique.
Toujours vivant, toujours débout, Lars Von Trier est revenu sur les lieux du crime non pas pour expier ses fautes mais pour narguer ses procureurs. Une œuvre mineure dans la filmographie du Scandinave mais d’une drôlerie héroïque qui convoque tour à tour Dante, William Blake, Glenn Gould, Tarkovski et Ray Charles et si l’on a parfois l’impression de jouer au psy, on accepte tout, tant la virtuosité du cinéaste éclate à chaque plan.
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