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Croisons-nous

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Publié le

5 juillet 2019

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Au milieu du chemin de nos vacances, nous nous retrouvons souvent non dans une forêt obscure mais sur une aire d’autoroute, ces hauts lieux de l’ancienne modernité, que les nostalgiques qualifient parfois d’heureuse, celle du général de Gaulle et de Pompidou, celle du plein emploi et du pétrole coulant à flots.

 

Pour notre part, nous ne voyons pas du tout qu’il faille rien regretter de cette modernité-là, sinon peut-être pour cette vérité indicible, ce crime-pensée qui hante souvent les rêves des Français, que régnait alors en France une homogénéité « raciale » et partant religieuse, culturelle, civilisationnelle, qui a depuis disparu, mais où tout était plus simple. Est-elle grave cette disparition, demandera-t-on, puisque c’est du croisement que naissent la diversité, la nouveauté, la vie ?

 

Lire aussi : le dernier éditorial de Jacques de Guillebon : Frère humain qui avec nous

 

Parlons-en du croisement justement. On ne se sera jamais aussi peu croisé. Cette maudite modernité aura techniquement élaboré un ensemble de dispositifs invraisemblables pour éviter tout croisement. Ainsi le grand « ballet des juillettistes et des aoûtiens » dont les radiophonistes nous rebattent les oreilles ne dessine-t-il jamais que deux lignes parallèles au mouvement inverse où personne donc ne se rencontre jamais ; ainsi, adieu à l’agaçante « romance d’aujourd’hui » de Michel Fugain qui essaie depuis quarante ans de nous faire croire qu’un couple pourrait se former sur une aire d’autoroute. Las, les âmes sœurs conduisant dans des sens opposés, l’idylle est impossible, on l’a bien compris. De même le rond-point dont notre brillant collaborateur Richard de Seze a scientifiquement démontré qu’il était un séparateur de Français, qui les fait tourner en rond et en vain dans la nuit.

Pour notre part, nous ne voyons pas du tout qu’il faille rien regretter de cette modernité-là, sinon peut-être pour cette vérité indicible, ce crime-pensée qui hante souvent les rêves des Français, que régnait alors en France une homogénéité « raciale » et partant religieuse, culturelle, civilisationnelle, qui a depuis disparu, mais où tout était plus simple.

Depuis la fin des Trente Glorieuses, qui seraient plutôt les Trente Pétroleuses tant leur miracle économique n’aura tenu qu’à l’usage d’une matière énergétique à très bas-coût, depuis quarante ans donc il est apparu chaque jour avec plus d’acuité que la grande séparation était en marche. Ce qui explique les appels permanents et désespérés au métissage et à toutes les diversités. Mais quoiqu’on fasse les individus sont toujours plus des « dividus », ces êtres coupés du monde naturel autant que de leurs semblables. La technique, l’urbanisme, l’emploi, les politiques, les religions, le sexe, les générations : rien qui ne les hache en morceaux de plus en plus menus.

Dans le paysage social de ce qui aura été autrefois la France, la séparation entre Gilets jaunes et éternels gagnants est plus patente que jamais et l’on ne voit pas ce qui dans le programme du trou noir du centre macronien dévoreur de galaxies de gauche ou de droite pourrait aider à recoudre le tissu déchiré.

La critique de la séparation aura été inconsciemment l’objet de ce numéro d’été, idéale saison pour se rassembler et se reraciner. Dans le parti majoritaire du président Macron, vendu comme le cocon de la bienveillance, l’heure n’est pas ou n’a jamais été apparemment au croisement des idées. Dans cette caserne climatisée, quand on s’appelle Agnès Thill, qu’on est ouvertement catholique, issu d’une famille modeste, et qu’on réprouve l’extension de la PMA à n’importe qui, on fait long feu et on prend la porte rapidement.

 

Dans le destin des générations, cher à Louis Chauvel, la grande séparation aussi est accomplie : vieux con soixante-huitard embourgeoisé, « boomer » pathétique, on vote pour le président et sa hausse du pouvoir d’achat, et on est finalement tombé amoureux d’un taux de croissance ; jeune con millenial on révère Greta Thunberg et ses visions de nouvelle sibylle, prophétesse du temps qu’il fait et de la sainte canicule tout en se gavant de composants électroniques et de métaux rares qui polluent plus vite la planète que Gengis Khan traversait la steppe eurasienne. Dans le paysage social de ce qui aura été autrefois la France, la séparation entre Gilets jaunes et éternels gagnants est plus patente que jamais et l’on ne voit pas ce qui dans le programme du trou noir du centre macronien dévoreur de galaxies de gauche ou de droite pourrait aider à recoudre le tissu déchiré. Tout est séparé ? Alors, il est temps de se croiser à nouveau.

 

Jacques de Guillebon

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