Cette vente de 78 millions d’euros a permis à Pascal Houzelot, fondateur de la société Diversité TV France, pour laquelle il n’avait initialement investi que 10 000 €, de faire fortune après seulement deux ans et demi d’activité de sa société. Cette vente record est d’autant plus extraordinaire que les conditions juridiques pour sa réalisation n’étaient pas réunies et ce, sans que les instances de contrôle ne s’en aperçoivent.
En effet, par une décision du 18 octobre 2011, le CSA avait établi des conditions de recevabilité bien précises pour concourir à l’appel d’offres ayant pour objet l’attribution de nouvelles autorisations de fréquence. Il était notamment exigé qu’avant le 10 janvier 2012, date limite de dépôt des candidatures, les candidats qui n’avaient pas encore de société immatriculée apte à se faire attribuer la fréquence, devaient justifier de statuts signés impliquant une immatriculation imminente au registre du commerce et des sociétés.
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Ainsi, le 27 mars 2012, jour de désignation du candidat retenu, par assemblée plénière du CSA, tous les candidats étaient censés être des sociétés existantes dont les statuts constitutifs devaient avoir été signés antérieurement au 10 janvier 2012. Or, la consultation de l’annonce légale de création de la société Diversité TV France, et des statuts déposés au greffe du Tribunal de commerce de Paris, nous indiquent que ces statuts constitutifs ont été signés le 12 avril 2012 (soit trois mois après la date limite), pour une immatriculation en date du 16 avril. En d’autres termes, le 27 mars 2012, à l’issue d’un long processus de candidature, le CSA a choisi d’attribuer une fréquence publique TNT à une société qui n’existait pas ! Une première dans l’histoire du droit français…
On peine également à comprendre comment il a été possible que le 8 mars 2012 Pascal Houzelot soit auditionné par le CSA en qualité de « président » d’une société inexistante, sans que cela ne lui soit opposé par personne. Aujourd’hui encore, le CSA n’a pas fait la lumière sur les raisons qui ont permis à Pascal Houzelot d’obtenir une autorisation de fréquence alors que la candidature de son projet n’était pas recevable. En 2015, apprenant que Pascal Houzelot comptait vendre sa société Diversité TV France au groupe NextRadioTV (Groupe Altice), le CSA retirait à Diversité TV France l’autorisation d’émettre, non en invoquant le vice de procédure évident que nous relevons, mais en se fondant sur un moyen de droit extrêmement difficile à caractériser : l’abus de droit entaché de fraude. Le 30 mars 2016, le Conseil d’État, saisi par Pascal Houzelot, tranchait cependant en faveur de la société Diversité TV France, en concluant que la fraude invoquée par le CSA n’était pas démontrée et qu’en conséquence, le retrait d’autorisation de fréquence n’était pas justifié.
En 2015, apprenant que Pascal Houzelot comptait vendre sa société Diversité TV France au groupe NextRadioTV (Groupe Altice), le CSA retirait à Diversité TV France l’autorisation d’émettre
Grâce à cette victoire judiciaire, Pascal Houzelot pouvait finalement réaliser la vente de sa société pour la somme de 78 millions d’euros. L’affaire Numéro 23 cependant ne s’arrête pas là. Se sentant floué, Fiducial Médias, concurrent du projet d’Houzelot en 2012, se constitue partie civile en mars 2017, avant de saisir le parquet national financier et de déposer plainte contre X pour abus de confiance. L’information judiciaire est aujourd’hui encore en cours. De son côté, Pascal Houzelot n’est pas en reste. Le 1er avril 2019, ce dernier a saisi le Tribunal administratif de Paris en vue de réclamer au CSA la somme de 20 millions d’euros, chiffre correspondant selon lui à la dévalorisation de sa société, après le retrait de l’autorisation d’émettre prononcée par le CSA en 2015 (annulée par le Conseil d’État en mars 2016). L’affaire Numéro 23, fruit d’un invraisemblable vice de procédure, est donc loin d’être finie.