La chose la plus importante à savoir sur Charlie Kirk, c’est qu’il était un guerrier joyeux. Cet homme de 31 ans était l’activiste conservateur le plus important d’Amérique, mais il n’était pas un homme en colère. Il était marié, avec deux jeunes enfants, et un chrétien évangélique fervent. Questionné au cours d’une interview sur la façon dont il espérait qu’on se souvienne de lui après sa mort, il répond : « Pour mon courage dans ma foi. »
Kirk, qui n’a jamais été à l’université, a bâti son influence à droite grâce à la force de son charisme et à sa volonté de débattre de politique sur les campus universitaires. Il n’insultait pas ses adversaires, mais il ne fléchissait pas non plus dans la défense de ses convictions. Interrogé par un activiste de gauche sur la raison qui le poussait à voyager d’universités en universités pour organiser des débats et des discussions, Kirk avait répondu : « Quand les gens arrêtent de parler, c’est là que la violence commence, c’est là que la guerre civile éclate. »
Tous ceux qui connaissaient Charlie Kirk disaient qu’il était bon, même envers ceux qui étaient en désaccord avec lui. Au moment où j’écris ces lignes, nous ne savons pas qui a tiré le coup de feu qui l’a tué. Or, cette balle a probablement mis fin à la droite modérée en Amérique. Il y a quelques jours, sur son compte X, Kirk postait un court clip de lui définissant le rêve américain :
« Le mode de vie américain est très simple. Je veux pouvoir me marier, acheter une maison, avoir des enfants, les laisser faire du vélo jusqu’au coucher du soleil, les envoyer dans une bonne école, vivre dans un quartier à faible criminalité, ne pas voir mon enfant apprendre les bêtises lesbiennes, gays, transgenres à l’école. Et aussi, ne pas les obliger à entendre l’appel à la prière musulmane cinq fois par jour. C’est important. »
Voilà en quoi croyait Charlie Kirk. Je parie que des dizaines de millions de Français seraient d’accord avec lui.
Le voilà mort, et ce qui s’apprête à suivre promet certainement des temps très sombres. Aux États-Unis ces dernières années, une jeune génération d’hommes blancs s’est radicalisée vers l’extrême droite, y compris dans le racisme et l’antisémitisme. C’est une chose terrible due en partie à des extrémistes en ligne qui ont infiltré leurs cerveaux. Mais aussi parce que ces jeunes hommes ont grandi dans une culture dont les élites leur disaient qu’ils – les hommes blancs, surtout les hommes chrétiens hétérosexuels – étaient le mal de ce monde.
« Cette balle a probablement mis fin à la droite modérée en Amérique » Rod Dreher
C’est le message constant des institutions élitistes : les médias, le milieu universitaire, le monde de l’entreprise et les politiciens démocrates. Jamais les Républicains traditionnels n’ont pris une position ferme contre ce discours. Seul Donald Trump l’a fait.
Beaucoup de ces jeunes hommes ont largement dépassé Trump dans ses idées d’extrême droite. Il est important, pour les lecteurs français, de comprendre que Charlie Kirk et Donald Trump sont la nouvelle norme de la politique de droite américaine. Leur principale adversaire, une gauche hystérique, souvent violente, agit comme si l’extrémisme en opposition à la droite était une vertu.
Quelques jours avant l’assassinat de Kirk, la vidéo d’un meurtre commis en août dans un tramway de Charlotte, en Caroline du Nord, a été rendue publique. Le tueur, DeCarlos Brown, était un homme grand, noir, schizophrène qui avait déjà été arrêté 14 fois. Dans la vidéo, on voit une jeune femme fluette, Irina Zarutska, immigrante ukrainienne, monter dans le tramway, s’assoir devant lui et commencer à faire défiler son smartphone.
Au bout d’une minute, Brown se lève d’un bond, couteau à la main, et lui tranche la gorge. On l’entend ensuite sur la caméra marmonner : « J’ai eu la fille blanche. » Cette dernière s’est vidée de son sang sur le sol du train.
Le conseil municipal de Charlotte, à grande majorité noire, avait tenté de garder la vidéo secrète. Sur un compte officiel du mouvement Black Lives Matter, une femme noire portant un keffieh palestinien a justifié le meurtre : « Les peuples opprimés ont droit à la violence. »
Voici ce que disait l’un des des derniers tweets de Charlie Kirk :
Si nous voulons que les choses changent, il est nécessaire à 100% de politiser le meurtre insensé d’Iryna Zarutska parce que c’est la politique qui a permis à un monstre sauvage aux 14 antécédents judiciaires d’être libre dans les rues pour la tuer.
Brown n’aurait jamais dû se trouver dans les rues. Il y était parce que des juges et des magistrats de gauche le libéraient sans cesse. Et pour cause, depuis au moins la dernière décennie, les élites américaines cultivent une curieuse sympathie pour les criminels noirs qui ont rendu de nombreuses villes inhabitables.
J’ai vécu en Europe ces quatre dernières années, ce qui me permet de comprendre le point de vue des Européens ordinaires qui déplorent l’abondance de migrants et la criminalité migrante dans leurs villes. Même si je n’ai pas à y faire face personnellement : je vis à Budapest, la capitale de la Hongrie de Viktor Orbán. Les élites européennes méprisent Orbán, en partie parce qu’il refuse d’obéir aux ordres de Bruxelles pour laisser entrer les migrants. Le gouvernement hongrois paie une amende d’un million d’euros par jour à Bruxelles pour cela. C’est le prix pour garder les Hongrois en sécurité.
Je crains que le meurtre de Charlie Kirk ne change l’Amérique, mais pas de manière positive. Kirk représentait le changement politique par des moyens démocratiques normaux : la discussion et le débat. Et quelqu’un l’a tué pour cela. Après l’assassinat en 1968 de Martin Luther King, un autre défenseur du changement pacifique, des millions ont perdu foi en la possibilité de la politique normale. C’était le point de départ d’une période terrible de radicalisme politique, d’attentats à la bombe et de meurtres politiques.
« Kirk représentait le changement politique par des moyens démocratiques normaux : la discussion et le débat. Et quelqu’un l’a tué pour cela. » Rod Dreher
Cette Amérique est-elle de retour ? Que Dieu nous en préserve. Même si je ne serais pas surpris. David Betz, professeur au département d’études de guerre du King’s College de Londres et expert en guerre civile, dit que toutes les conditions favorisant l’éclatement d’une guerre civile ont été réunies dans la plupart des pays occidentaux. D’après lui, elle ne prendrait pas la forme de batailles armées contre des armées, mais plutôt d’une guérilla, comme en Irlande du Nord.
La Grande-Bretagne et la France, dit-il, sont les plus exposés à ce danger, mais les États-Unis sont également vulnérables. Pourquoi ? Selon Betz :
_ La désintégration sociale : le multiculturalisme a forcé les gens à se penser non comme des citoyens, mais comme membres de groupes identitaires.
_ Le multiculturalisme asymétrique : dans lequel les non-Blancs et les musulmans sont encouragés à exprimer une fierté ethnique et une solidarité qui sont, dans le même temps réprimées chez les Blancs et les chrétiens.
_ La perte de statut culturel par les populations natives, face à l’immigration de masse.
_ La division entre les villes et la campagne.
_ Les déconnexion totale des élites et des populations qu’elles gouvernent.
_ La polarisation politique.
Betz croit que tous ces facteurs mènent à une probabilité accélérée d’éclatement d’un conflit civil dans au moins un pays occidental et qui, par la force des réseaux sociaux, est susceptible de se propager aux autres.
En tant qu’Américain vivant en Europe, il m’est plus facile d’imaginer cela se produire ici qu’en Amérique. En voyageant cette année en France et en Grande-Bretagne, j’ai demandé à des gens connectés à l’ordre établi ce qu’ils pensaient des chances de guerre civile. Ils m’ont tous répondu que c’était une idée ridicule. Mais lorsque je demandais la même chose à des gens en dehors de cet ordre – surtout les jeunes – ils pense que c’est inévitable. Un jeune Français m’a dit : « C’est mieux de l’avoir trop tôt que trop tard. Finissons-en. »
Pour être clair, la guerre civile n’est rien que quiconque devrait désirer ! Si vous lisez les récits de conflits civils de bas niveau dans l’ex-Union soviétique des années 1990, vous voyez à quel point ils peuvent être sauvages. Et pourtant, à moins de changements majeurs et rapides, ils pourraient bien être notre destin.
Si ce genre de violence arrive en Amérique, ce ne seront pas les partisans du joyeux Charlie Kirk qui la commenceront. Il y a des milliers de figures beaucoup plus sombres, qui construisent leurs forces dans l’ombre.
Ces extrémistes peuvent facilement pointer du doigt la corruption des élites institutionnelles libérales – les mêmes qui ont permis à DeCarlos Brown de rôder dans les rues pour massacrer Iryna Zalutska et qui le justifient même comme une sorte de justice historique. Ils peuvent aussi pointer du doigt qu’un conservateur optimiste et sympathique comme Charlie Kirk a été abattu alors qu’il agissait en Américain normal, engagé dans une activité démocratique normale : discuter et débattre des questions politiques et sociales, même avec ses adversaires. Ils finiront par dire, tout comme les radicaux de gauche de 1968 l’ont dit : Pensez-vous vraiment que le changement est possible par la paix ? Nous vous offrons une autre voie.
Cette voie est la route vers l’enfer, comme l’Amérique l’a vu. Elle pourrait être prise à nouveau – et cette fois, grâce à l’atomisation sociale généralisée, à l’extrémisme causé par Internet et à la perte généralisée de foi dans les institutions (via le Covid, le wokisme et la guerre en Irak), la société américaine n’a pas la résilience sociale profonde qui lui a permis de survivre aux jours de rage de la fin des années 1960 et du début des années 1970.
L’assassin de Charlie Kirk a tué un homme bon, un Américain extraordinaire qui a travaillé sans relâche et avec gaieté pour rendre l’Amérique normale à nouveau. Le tueur pourrait aussi avoir assassiné la dernière chance que l’Amérique avait d’éviter une sorte de guerre civile, ou au moins l’avènement d’un régime autoritaire.




