C’était il y a dix ans. Une marche républicaine, comme ils disaient. C’est bien la première fois que la République attirait autant de monde. Des millions de Français défilaient dans les rues, Benjamin Netanyahou et Mahmoud Abbas marchaient côte à côte, comme le président ukrainien de l’époque et le ministre des Affaires étrangères russe. Des pancartes « Je suis Charlie » se dressaient dans les rues, des « Marseillaise » par très « Charlie » s’envolaient dans le ciel triste et un pigeon avait chié sur l’épaule de François Hollande. Pas rancunière, Notre-Dame, encore dans son jus, sonnait le glas pour Charb, Cabu, Maris, Tignous, Wolinski et tous les autres. La France se levait contre les combattants de l’islam, ignorant encore qu’elle avait déjà perdu.
Qu’on le veuille ou non, Charlie est un morceau de notre identité, un bout de famille. L’oncle gênant du bout de table ou le petit frère mal élevé, mais ils sont Français
On nous avait promis des « plus jamais ça », comme toujours. Dix ans plus tard, on eut beau éteindre la tour Eiffel et brûler des tonnes de bougies, la lèpre islamiste s’est propagée. Elle a même muté. Après l’Hyper Casher et le Bataclan, les offensives sophistiquées n’ont plus lieu d’être. Nos services de renseignement sont efficaces mais l’immigration offre un bataillon de réservistes autodidactes continu et le premier Kevin venu épouse la transcendance à coups de couteau. On appelle ça le djihadisme d’atmosphère. Une machine à conversion. Étonnante religion que celle qui séduit en butant des profs, un curé, Arnaud Beltrame ou des enfants sur la promenade des Anglais.
Sommes-nous Charlie ? Oui. Tout simplement parce que nous préférons encore mille fois leur monde adulescent – quoique parfois drôle quand ils n’écrivent pas – à celui de l’islam. Sommes-nous obligés de répondre? Oui car nous refusons le « pas d’amalgame ». Qu’on le veuille ou non, Charlie est un morceau de notre identité, un bout de famille. L’oncle gênant du bout de table ou le petit frère mal élevé, mais ils sont Français. Ils le sont avec leur irrévérence de sale gosse, celui qui n’a jamais dépassé le stade des dessins de bites sur une table de classe mais qui au moins n’a pas le sacré sélectif. Ils le sont civilisationnellement parlant avec tout leur courage et leur ineptie. Et si vous en doutiez encore, rappelez-vous qu’ils sont morts en chrétiens et patriotes, peut-être malgré eux comme l’explique brillamment Romaric Sangars quelques pages plus loin.
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Notre différence avec eux est de degré. Comme l’islamisme avec l’islam. La nôtre avec la culture islamique est de nature. Nous préférons cent fois guerroyer contre Charlie avec la plume ou le verbe plutôt qu’être contraints de sortir notre fusil de chasse pour sulfater ceux qui veulent les égorger. On ne touche pas à notre prochain. Jamais il ne nous serait venu à l’idée de dessiner Mahomet le sboub en bandoulière ou besognant une chèvre, mais le simple fait de le représenter vaut une mise à mort. Quand bien même on le dessinerait beau et bon comme le Christ. C’est tout le problème. Et si on peut déjà vous annoncer que nos confrères vont pendant un mois parler de «combat qui continue» avec des # en ponctuation et des libertés d’expression plein la bouche, rares sont ceux qui oseront montrer un prophète barbu en Une, non qu’ils croient que ce soit vain ou idiot, mais par crainte, lucide, de se faire tronçonner la glotte.
La soumission est en marche et les collabos ne se cachent même plus. Il n’est pas question de liberté d’expression – si on commence à soigner la bêtise à coup de kalash, la Terre finira plus trouée qu’une passoire – mais de guerre. Une guerre morale, culturelle, identitaire et territoriale, et ce n’est ni à coups de laïcité ni à coups de « valeurs républicaines » que nous la gagnerons. Personne n’ira crever pour elles. Les combattants de l’islam savent pourquoi ils tuent. Mais nous, savons-nous encore pour quoi mourir ?
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