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Au fond il y a une vérité linguistique, donc psychanalytique, dans la désignation du Moyen Âge que ses contempteurs crurent humilier en le qualifiant de période intermédiaire, indéterminée, bizarrerie coincée entre une glorieuse antiquité et une incroyable modernité : il y a une vérité en ce qu’il faut lire âge de la mesure et non âge médiocre, miracle d’équilibre et de lumière radieuse qui éclaire sans aveugler.
Il y a une vérité en ce que c’est l’âge qui traverse toutes les périodes de la vie humaine, et que l’adulte aussi bien que l’enfant ou l’adolescent en demeure nostalgique, et que ni Walter Scott, ni Tolkien, ni Game of Thrones n’ont réussi à en épuiser la symbolique.
Le Moyen Âge habite nos âmes à un point tel qu’on ne connaît d’imaginaire qui le lui dispute. Le chevalier est en arme, le moine en prière, la femme en robe fabuleuse. La simplicité de ces archétypes n’est pas propre à l’occident d’ailleurs : le samouraï est encore ce grand guerrier à cheval mourant pour son seigneur et défiant l’ennemi en combat singulier ; l’Indien avec son arc et ses flèches galope lui aussi à jamais dans les plaines gigantesques de l’Amérique inviolée et son courage est celui de l’homme libre.
Pascal qui fut le dernier médiéval savait bien le risque que prenait l’homme ou à oublier la raison, ou à n’admettre qu’elle, et media tempestas, le premier nom du Moyen Âge, voulait précisément dire la saison intermédiaire, quand la loi naturelle n’avait point encore été oubliée et que le droit positif commençait seulement de naître.
Le Moyen Âge, donc, c’est l’ordre, le milieu symbiotique dans lequel l’âme épuisée de contemporanéité vient baigner ses blessures.
Trois auteurs fort catholiques viennent à point nommé nous en rappeler les vertus, le gigantesque Chesterton réintroduit avec bonheur par Camille Dalmas (Le paradoxe G.K. Chesterton, Éditions L’Escargot), Rémi Brague (Des vérités devenues folles, Salvator) et Guilhem Golfin (Babylone et l’effacement de César, L’Homme nouveau), vertus de mesure donc où raison et nature se conjoignent pour se contenir dans leurs saines limites. Pascal qui fut le dernier médiéval savait bien le risque que prenait l’homme ou à oublier la raison, ou à n’admettre qu’elle, et media tempestas, le premier nom du Moyen Âge, voulait précisément dire la saison intermédiaire, quand la loi naturelle n’avait point encore été oubliée et que le droit positif commençait seulement de naître. Quand la grâce surélevait la nature sans l’abolir. Quand l’homme et la femme se libéraient des liens communautaires étouffants sans pour autant dresser leur subjectivité invincible à la face de l’univers.
Il faut bien comprendre que parler de Moyen Âge n’est pas histoire de nostalgie mais bien au contraire histoire d’avenir. L’histoire d’une reconstruction de notre commune humanité, où nous serons à nouveau capables de faire des hommes parce que nous saurons vivre sous le régime de la vertu.
Rémi Brague évoque la civiltà media de Leopardi, un équilibre entre raison et nature, où la conversation, l’art de parler entre hommes, permet à son tour la conservation. Conservation de la cité, de ses us, de son art civilisé, de la possibilité de la cohabitation des hommes. Il nous faut bien constater qu’à avoir mis trop de raison dans nos machines, trop de mathématiques dans nos « moyens de communication », nous n’avons accouché finalement que d’un babillage assommant, d’un « twitter » dont le cuicuitement rejoint très exactement ce « barbare » qu’était le langage des oiseaux incompréhensible à l’oreille grecque. Il nous faut bien constater que notre rationalité au lieu d’illuminer a fini par mettre le feu à la terre et à l’espèce humaine.
Il faut bien comprendre que parler de Moyen Âge n’est pas histoire de nostalgie mais bien au contraire histoire d’avenir. L’histoire d’une reconstruction de notre commune humanité, où nous serons à nouveau capables de faire des hommes parce que nous saurons vivre sous le régime de la vertu. Des hommes de choix et de décisions, capables d’arriver à un âge adulte, un âge viril, et non plus des semi-hommes, des axolotls comme ceux qui nous gouvernent, larves n’ayant jamais atteint l’âge adulte.
Nous parions pourtant, à la sortie de cet hiver positiviste, sur l’arrivée du printemps.
Le Moyen Âge, la saison intermédiaire, c’est le temps tempéré : c’est ou bien l’automne ou bien le printemps et évidemment nul contemporain n’est capable d’imaginer si son époque précède une renaissance ou bien une chute. Nous parions pourtant, à la sortie de cet hiver positiviste, sur l’arrivée du printemps.
Jacques de Guillebon
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