Le cinéma comme la télévision ont régulièrement eu recours au patrimoine littéraire français, et ce dès le début de leur histoire. « Le cinéma est en posture de dette vis-à-vis de la littérature. Dès le début du cinéma, il fallait bien trouver des histoires et c’était le cinéma narratif qui dominait le marché. Les cinéastes pillaient donc la littérature mondiale pour trouver les sujets de leurs films, même si les films étaient très courts. On piochait chez Hugo et Zola. Le premier Germinal de Capellani est un très grand chef-d’œuvre. C’est d’ailleurs la plus belle adaptation et c’est un muet », raconte Françis Vanoye, agrégé de lettres, professeur émérite d’études cinématographiques à l’Université de Paris X Nanterre et auteur de L’Adaptation littéraire au cinéma (Armand Colin, 2019). Si 80 % des films étaient des adaptations, les productions se sont peu à peu émancipées pour osciller selon les années entre 30 % et 50 % aujourd’hui. « Avec l’arrivée du cinéma parlant et son succès, le métier de scénariste est devenu plus important et le recours aux scénarios originaux s’est développé, même si les adaptations littéraires se sont poursuivies » poursuit-il.
On peut même dater de la fin des années cinquante et de la Nouvelle Vague une première rupture stylistique : « Truffaut, Godard, Chabrol et les autres ont commencé par affirmer que les adaptations c’était du vieux cinéma, mais en réalité, ils ont très vite eu eux-mêmes recours aux adaptations mais irrespectueuses, au sens où ils ne faisaient pas des illustrations fidèles du récit. Ils le modernisaient, le transposaient d’une époque à l’autre, adaptaient le récit tout en admirant l’œuvre originale ». Si on se rappelle l’excellent Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau (1990), de son plus académique Hussard sur le toit (1995) ou de la Reine Margot baroque de Patrice Chéreau (1994), le film en costume français se signale quand même par sa rareté.
L'art se nourrit de ce qu'il brûle. Le cinéma est par nature la transfiguration d'une réalité ou d'un livre. Sinon à quoi bon ?
Xavier Giannoli
La garantie des grands noms
« Adapter un classique, c’est réaliser un film « patrimoine » et un film « en costume », deux critères qui ont eu pendant longtemps mauvaise presse dans le cinéma français alors que ce genre, produit par des Américains ou des Anglais, était bien mieux accepté », affirme la scénariste franco-américaine Natalie Carter qui compte déjà à son actif une adaptation de Balzac, de Mauriac, et dont on attend un Emma Bovary début 2022. « Alexandre Dumas nécessite des moyens. Le cinéma américain n’hésite pas à mettre le budget, et il faut avouer que le film de cape et d’épée français n’a pas brillé. Les Américains en sont plus familiers. Les acteurs, formés à l’équitation à l’escrime, sont plus convaincants. Jean Marais ne fait pas le poids à côté », ajoute Francis Vanoye. [...]
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