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Frère humain qui avec nous

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Publié le

31 mai 2019

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Même si ce n’est pas le sujet, on peut dire que le pauvre Vincent Lambert aura fait autour de lui l’union des droites. De l’attelage brinquebalant Bellamy-Wauquiez à Jordan Bardella et Marine Le Pen – lesquels ne seraient pourtant pas conservateurs, si on les en croit – en passant par Dupont-Aignan, « l’affaire » comme on désigne de manière déshumanisante ce cas tragique aura tracé une ligne de démarcation politique flagrante, sur quoi on peut s’interroger.

 

Il est fort possible qu’hélas des réflexes partisans aient joué et que le Parti des partis y ait vu l’occasion de se reconstituer en des blocs aisément discernables, surtout à quelques jours des élections européennes. Mais la question va plus loin, et nous ramène évidemment aux visions anthropologiques antagonistes qui structurent notre temps. Écartons d’emblée insultes et mépris qui n’ont pas lieu d’être autour du lit d’un handicapé, d’un malade, d’un être qui peut-être soufre physiquement, certainement intérieurement de ce qu’il ne sait plus exprimer son âme, et tentons de considérer, à l’inverse de ce que relève Péguy que chacun verrait chez soi-même la mystique et chez l’adversaire seulement la politique, tentons de considérer la vision des partisans de l’arrêt des soins.

 

Lisez aussi le précédent éditorial de Jacques de Guillebon : Guerre civile mondiale

 

Cette vie, faite de souffrances suppose-t-on et d’enfermement à jamais, ne mériterait plus d’être vécue, plus loin ce serait un acte d’amour et de compassion que d’y mettre fin, dans les meilleures conditions possibles, ainsi que le plaide sa malheureuse femme. Personne n’est dans le secret de ce couple dont les relations sont coupées depuis dix ans, personne ne peut s’ériger en juge de cette épouse ni dire quelle est sa tragédie intérieure. Peut-être à sa place réagirions-nous comme elle : mais alors, osera-t-on, il faudrait que ce soit elle en toute logique qui mette fin à cette vie, par amour, elle qui telle une Antigone mue par une loi supérieure prenne le risque de se confronter aux lois et au corps politique, parce que sa conscience le lui indique et qu’il faut toujours suivre sa conscience, nous a appris saint Tomas, il y a bien longtemps.

 

 

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Mais. Mais de l’autre côté, qui est celui qui nous semble le plus sage, en toute prudence, de l’autre côté il y a cette mère que certains ne se privent pas de traîner dans la boue, stigmatisant tel « intégrisme » ou telle idéologie qui la mouvrait contre la volonté supposée du fils. Il est peu de dire que les partisans de l’arrêt des soins ne se grandissent pas à la déconsidérer ainsi, en faisant une mère étouffante, araignée qui projetterait sur son fils affaibli un amour qu’elle n’aurait su plus tôt lui donner. Le cas d’extrême limite de Vincent Lambert nous questionne et nous remue profondément précisément parce qu’il ne ressortit pas des canons du choix.

 

Le cas d’extrême limite de Vincent Lambert nous questionne et nous remue profondément précisément parce qu’il ne ressortit pas des canons du choix. Parce qu’il est tragique quoi que l’on décide.

 

Parce qu’il est tragique quoi que l’on décide. Il n’est pourtant pas tragique comme dans ces cas où par exemple il s’agit de choisir entre la vie d’une mère et celle de son enfant: il est tragique parce que c’est à nous, société humaine, de décider si oui ou non, sans que nous y gagnions rien ni n’y perdions rien, dans l’un ou l’autre cas. C’est le sort d’une personne humaine qui est remise entre les mains d’un pays dans sa forme politique. L’opinion s’en émeut et elle a raison: elle démontre qu’elle a une conscience, une âme et un coeur.

Il lui faut pourtant prendre garde de ne pas confondre ce coeur avec des tripes, et que sa réaction soit dictée, dans un sens ou dans l’autre, par une émotion immaîtrisée, fortement stimulée par des images. En ce sens, la diffusion d’images de M. Lambert dans son lit par ses parents contre l’avis de sa femme relève quelque peu de l’obscénité. Tous les coups ne sont pas permis. Cependant, puisqu’il faut choisir, et que ce choix retombera sur nous, Français, comme on disait que le sang d’un autre retomberait sur Jérusalem, c’est évidemment la vie qu’il faut choisir et cette suspension de l’acte qui consiste pour lors paradoxalement à perpétuer sa vie en le nourrissant et l’hydratant.

Y a-t-il place alors ici pour des visions de droite et de gauche ? Oui, si l’on considère que la droite suppose des permanences humaines qui échappent au vote et à l’émotion des masses. C’est peut-être une leçon, certes annexe mais intéressante, de ce drame dont l’on souhaite qu’il ne dresse pas trop la foule française contre elle-même.

 

Jacques de Guillebon

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