Skip to content

Inéligibilité de Marine Le Pen : la revanche en demi-teinte de Vauban

Par

Publié le

6 avril 2025

Partage

Condamnée à une peine d’inéligibilité, Marine Le Pen a rassemblé ses soutiens place Vauban pour dénoncer une « justice politique » et lancer sa contre-offensive. Tandis que Renaissance et LFI organisaient leurs propres meetings, la bataille des légitimités s’est jouée dans la rue, révélant une France plus fracturée que jamais.
© Wandrille de Guerpel

Ce dimanche 6 avril, sous un ciel ensoleillé, la place Vauban s’est parée des couleurs d’un vieux rêve français. Le Rassemblement national y organisait un rassemblement de soutien à Marine Le Pen, condamnée quelques jours plus tôt à une peine d’inéligibilité dans l’affaire des assistants parlementaires. Si le raout n’obtient pas le succès populaire que connut François Fillon au Trocadéro après ses affaires, la condamnation de la présidente du Rassemblement national a galvanisé les vieilles troupes. « Ils veulent l’abattre, nous la relèverons », lâche une militante venue du Pas-de-Calais avec ses copines. Comme souvent, la tempête judiciaire s’est muée en tempête politique, et l’opposition entre les juges et la rue a pris des airs de tragédie nationale.

Lire aussi : Inéligibilité de Marine Le Pen : le député RN Hervé de Lépinau dénonce une « chasse aux opposants »

Le cortège des « invisibles » s’est formé dès le début d’après-midi, convergeant vers l’esplanade des Invalides. Drapés dans des drapeaux français, jeunes identitaires, retraités des provinces, artisans, mères de famille et ouvriers ont formé la colonne vertébrale d’une mobilisation qui se veut un appel à la résistance. Sur la scène installée pour l’occasion, les parlementaires nationaux et européens du Rassemblement national, de l’UDR et d’IDL sont assis. Et, comme pour signer la fin de la rancune, Louis Alliot met son accent sudiste au service de son verbe et fait applaudir Philippe de Villiers, Éric Zemmour et Marion Maréchal. Habile.

Dans la foule, on peut d’ailleurs y croiser une poignée d’anciens zemmouristes, Stéphane Ravier, Laurence Trochu ou encore Stanislas Rigault. Pas d’air d’union des droites mais une même indignation quant à la peine d’inéligibilité. À la tribune, Jordan Bardella, en orateur rodé, dénonce une « justice d’exception, instrumentalisée par un pouvoir en déroute ».

L’esprit de résistance

Mais c’est Marine Le Pen elle-même, arrivée en milieu d’après-midi, qui a donné à l’événement toute sa densité politique. Vêtue de noir, grave, presque solennelle, elle invoque Martin Luther King, citant le célèbre « I have a dream », pour appeler à une « résistance pacifique, populaire et patriote ». La comparaison surprend, mais l’intention est claire : se poser en victime d’une injustice structurelle, à l’instar des figures de la lutte des droits civiques. « Je suis poursuivie non pour ce que j’ai fait, mais pour ce que je suis : une opposante », a-t-elle martelé avant de lâcher : « En politique, les couronnes sont davantage faites d’épines que de lauriers.»

Loin des provocations passées, le RN a soigné sa mise en scène : pas de discours tapageurs, mais un ton grave, presque religieux. L’ambition ? Rendre visible une France invisible, celle qui ne se reconnaît plus ni dans la macronie, ni dans la gauche morale. Comme si la droite nationale prenait désormais les habits du martyr républicain.

La bataille des trois France

Mais ce dimanche, Paris était aussi le théâtre d’un triptyque politique qui en dit long sur l’état du pays. À Saint-Denis, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal tenait un meeting pour Renaissance. Objectif : défendre les institutions, réaffirmer la confiance dans la justice, et surtout se démarquer de l’extrême droite dans un climat de plus en plus polarisé. Devant une salle compacte, l’ancien chef du gouvernement a dénoncé ceux qui « veulent s’ériger en juges des juges » et attaquent « l’État de droit à coups de slogans populistes ». Ton ferme, posture quasi présidentielle.

Trois meetings, trois France irréconciliables : la France périphérique du RN, la France institutionnelle de Renaissance, et la France militante de la NUPES. Toutes convoquent la République, mais aucune ne parle le même langage.

De l’autre côté de la Seine, c’est place de la République que LFI et ses alliés écologistes avaient donné rendez-vous. Une manifestation revendiquée comme un rempart contre la montée des extrêmes. Manuel Bompard, sur un ton plus militant, a accusé le RN de « préparer le terrain à une dictature soft », tandis que Sandrine Rousseau dénonçait « la complaisance médiatique envers l’autoritarisme d’extrême droite ». Le contraste est saisissant : là où la gauche scandait son antifascisme, la droite nationale invoquait la justice du peuple contre celle des élites.

Trois meetings, trois France irréconciliables : la France périphérique du RN, la France institutionnelle de Renaissance, et la France militante de la NUPES. Toutes convoquent la République, mais aucune ne parle le même langage.

Le temps du soupçon

Dans cette atmosphère de tension démocratique, la décision de justice contre Le Pen apparaît comme un point de bascule. Car si l’affaire des assistants parlementaires soulève des questions légitimes, la concomitance entre calendrier judiciaire et politique ne peut être ignorée. Que la candidate la mieux placée pour 2027 soit frappée d’inéligibilité à deux ans de l’échéance présidentielle interroge. Est-ce le fruit du hasard, ou le symptôme d’un système qui n’a jamais digéré l’irruption du RN dans le jeu républicain ?

Lire aussi : Et si Marine Le Pen était écartée en 2027 ? Le spectre de l’inéligibilité et le procès d’un système

Le RN le sait : c’est désormais dans cette brèche qu’il veut s’engouffrer. Reprendre le flambeau d’une droite contestataire et enracinée, parler au pays réel, et incarner une forme d’ordre contre le chaos judiciaire. La stratégie est claire : victimisation maîtrisée, références universelles, tonalité grave. Le parti n’est plus seulement un mouvement de contestation : il veut être celui qui réconcilie la nation avec elle-même.

Face à lui, la majorité présidentielle peine à susciter l’adhésion. Quant à la gauche, elle semble enfermée dans une dialectique antifasciste de plus en plus inaudible hors des centres-villes. En somme, ce dimanche n’a pas seulement été un dimanche de meetings : c’était une répétition générale. Une répétition pour 2027, mais surtout pour une France qui cherche encore qui la représentera.

EN KIOSQUE

Découvrez le numéro du mois - 6,90€

Soutenez l’incorrect

faites un don et défiscalisez !

En passant par notre partenaire

Credofunding, vous pouvez obtenir une

réduction d’impôts de 66% du montant de

votre don.

Retrouvez l’incorrect sur les réseaux sociaux

Les autres articles recommandés pour vous​

Restez informé, inscrivez-vous à notre Newsletter

Pin It on Pinterest