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L’intimité du confinement

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Publié le

2 avril 2020

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Le silence est l’absence de son. Or le grand bruit du monde a disparu. À la faveur d’un confinement qui enferme quasiment trois milliards d’hommes chez eux, les crises d’angoisses se multiplient. La science tente avec maladresse de mettre des mots sur cette terreur sourde qui finit par exploser. Que se passe-t-il ?

 

Nos contemporains sont face à eux-mêmes. Privés du grand bruit du monde, il découvrent le silence. Et souvent ils découvrent que leur silence est vide. Vide, faute de vie intérieure. Gavés d’images et de sons préfabriqués, ils n’ont jamais appris à rêver.

« Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie », tout le monde connaît cette phrase de Pascal, que le temps et un usage répété n’arrivent pas à user. Notre âme est un espace infini, puisqu’elle a vocation à demeurer une éternité. Charge à nous donc de remplir ce silence. Tolkien, dans son Silmarillion élabore sa cosmogonie autour d’une symphonie universelle. Chaque voix s’élevant repousse le silence et donc la stérilité, crée la vie, en apportant librement une pierre unique à l’édifice, image merveilleuse de la procréation. Autrement dit la part de la création que Dieu nous propose de faire avec Lui par amour.

Cette image fabuleuse d’une chorale où chaque homme serait un pupitre à lui seul, engageant sa liberté pour le service du beau, trouvant sa récompense dans l’harmonie parfaite du concert est une métaphore intelligible à tous les esprits de bonne volonté. Dans cette cosmogonie symbolique, la damnation intervient quand le plus grand des êtres créés choisit de chanter d’une voix discordante, brisant pour l’éternité l’harmonie du monde, satisfaisant son orgueil, mais se privant du bonheur.

 

C’est par le don de sa liberté au service du collectif que la beauté individuelle d’une voix peut être mise en valeur en retour, par l’admirable enchevêtrement le la partition. Ainsi en est-il de notre condition humaine.

 

Le beau comme vérité sensible est bien connu des choristes. Lorsque s’élèvent les premières mesures du O magnum mysterium de Tomas Luis de Victoria, l’unisson des sopranos, rejointes par les altos, puis les ténors et enfin les basses, l’âme humaine la plus dépourvue de sensibilité l’éprouve instinctivement si elle ne veut pas le reconnaître intellectuellement : c’est par le don de sa liberté au service du collectif que la beauté individuelle peut être mise en valeur en retour, par l’admirable enchevêtrement le la partition. Ainsi en est-il de notre condition humaine : trouver une voix dans le concert de l’humanité.

Mais cette construction de l’intimité est impossible dans le bruit. Elle ne se fait que dans l’apprivoisement du silence. Le cardinal Sarah raconte dans La Force du silence, que lorsqu’il était évêque de Conakry, il se retirait loin des hommes, pour aller dans un endroit désert, où il n’entendait que le cri des oiseaux et le bruissement de la végétation. Dans ce calme, il a pu doucement commencer à parler avec Dieu. Pour beaucoup de nos contemporains l’expérience du silence est un enfer : parce que le silence ouvre le rideau sur le vide abyssal d’une vie sans dimension verticale. « L’enfer, c’est les autres », disait Sartre. Il faut croire que le contemporain ne se passe pas de son enfer, parce qu’il n’existe plus sans miroir pour son narcissisme.

 

Le contemporain qui se masturbe devant du porno entre deux pubs finit par éjaculer comme on consomme un Dragibus : pas mauvais, mais on a toujours envie d’un supplémentaire, plus on en consomme moins c’est bon, et à la fin on a envie de vomir et on a honte. La dopamine produite en même temps que le sperme faisant office de saccarose.

 

« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure », écrit Bernanos. Le grand bruit du monde n’est pas construit par le hasard. Il n’est pas construit non plus par une conspiration : il est la conspiration. Plus précisément, le grand bruit du monde est le fruit bâtard du croisement d’intérêts idéologiques et commerciaux. Nombreux sont ceux qui ont intérêt à empêcher l’homme de composer sa chanson intime. Comme le mal n’attaque jamais de face, il pousse sur les flancs : sur le flanc gauche, les idéologues humanistes de l’homme-dieu hurlent pour nous empêcher de regarder vers le haut ; sur le flanc doit, les argentiers de la consommation hurlent pour nous obliger à regarder en bas.

De cette alliance entre l’idéologue et l’argentier pour détruire l’homme, notre siècle a forgé un monstre absolu. Nulle forteresse intime n’est à l’abri de la puissance dévastatrice de sa poliorcétique mentale. Souple, puissante, adaptatrice, la pornographie est à notre époque ce que les hordes huniques étaient à la basse Antiquité. Le battage fait autour de la pornographie dès les premiers jours du confinement est un signe très sûr de ce besoin quasi médical de rêves artificiels.

 

Lire aussi : L’Union européenne, stop ou encore ? Par Marion Maréchal

 

Tout internaute fréquentant les réseaux sociaux a pu voir les ricanements des hyènes lorsque le site Pornhub, premier de sa catégorie, a rendu gratuit son contenu pour les Italiens. Cette gratuité a été étendue à la France quelques semaines plus tard. « Pour les Belges, il n’y en a plus, ce sont des tireurs au c*l », chantent les légionnaires : rien de bien compliqué pour eux, les fournisseurs de VPN permettent à chacun de se faire passer pour un ordinateur des deux premiers pays. Moyennant un peu d’argent. Toujours.

Le contemporain qui se masturbe devant du porno entre deux pubs finit par éjaculer comme on consomme un Dragibus : pas mauvais, mais on a toujours envie d’un supplémentaire, plus on en consomme moins c’est bon, et à la fin on a envie de vomir et on a honte. La dopamine produite en même temps que le sperme faisant office de saccarose.

L’argentier se réjouit de l’argent ramassé grâce à son site. L’idéologue de la déconstruction se réjouit de voir l’homme quitter son humanité. Au prix d’un sillage phosphorescent de femmes à la vie aussi ruinée que leurs organes, et des hommes à la dignité aussi piteuse que leurs orgasmes. Qu’importe au monde : imaginez la qualité commerciale inouïe du « temps de cerveau disponible », cet or que l’on mine avec des seins pour pioche, lorsqu’il est obtenu à un consommateur frustré à la folie par ce qu’il voit à son écran, et excité à la folie par sa pulsion ? Et il y a des gens pour rire de ce commerce ?

 

La course en avant, était une vulgaire fuite de soi. Désormais tous ceux qui sont enfermés dans neuf mètres carrés seuls, ou dans quarante à cinq, savent que la liberté ne réside en rien dans l’espace restreint de leur logement, mais dans les espaces infinis de leur coeur.

 

Mais si la vie se résume à une bataille de molécules, quel médicament, quel assemblage d’atomes peut-il rendre à l’homme le bonheur de chanter sa voix quand les hurlements du siècle rendent tout inaudible ? La sérotonine ?

« Pour la première fois, l’humanité a un ennemi commun », a déclaré le patron de l’OMS. Les Romains lui donnaient déjà tort deux siècles avant Jésus-Christ en disant « L’homme est un loup pour l’homme ». À cet égard, le confinement est une opportunité gigantesque. Alors qu’un millénaire commence, l’humanité est forcée de faire une pause. Et voit, avec horreur, combien la mondialisation, cette course en avant, était une vulgaire fuite de soi. Désormais tous ceux qui sont enfermés dans neuf mètres carrés seuls, ou dans quarante à cinq, savent que la liberté ne réside en rien dans l’espace restreint de leur logement, mais dans les espaces infinis de leur coeur.

 

Lire aussi : Podcast #4 | Arnaud Demanche : « Le jour de Charlie, l’innocence de mon métier s’est totalement évanouie »

 

Nos contemporains font l’expérience terrifiante de ce que l’abandon du spirituel n’a pas ouvert leur coeur à la vérité, mais aux mensonges les plus laids. La nature a horreur du vide : un monde sans Dieu ne sait que se livrer à des idoles. Et des idoles payantes en abonnement qui plus est. Rêver c’est gratuit. Nous pouvons faire vivre au monde une Épiphanie avant l’Apocalypse.

 

Louis Lecomte

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