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LES CÉSAR 2020 : QUAND LE CINÉMA FRANÇAIS FAIT SON CINÉMA

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Publié le

29 février 2020

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Cette 45ème cérémonie des César sentait le soufre. Entre l’affaire Polanski et la démission surprise de la direction de l’Académie, il y a bien longtemps que la « grande fête du cinéma français » n’avait pas autant commis de tension et d’éclats. Verdict ?
@Capture d'ecran Canal+

C’est l’annonce des douze nominations pour le J’accuse de Roman Polanski qui alluma la première mèche. La sortie du film était déjà houleuse – entre avant-premières interrompues par des militantes féministes et rétropédalage en forme de mea-culpa raté d’une partie de la presse – mais le possible triomphe du réalisateur franco-polonais aux César fit exploser de colère les associations, Osez le féminisme en tête : « Nous sommes sous le choc que Roman Polanski, accusé par plusieurs femmes de viols pédo-criminels, soit encore et toujours acclamé par le cinéma français… », déclara sa présidente. Quelques jours plus tard c’est l’actrice nommée cette année, Adèle Haenel, qui déclara au New York Times : « Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes », suivie par Franck Riester, l’invisible Ministre de la culture, qui affirma à son tour que remettre « Un César de meilleur réalisateur pour Roman Polanski serait un symbole mauvais » Reniflant le plan foireux, ou trop chétif pour affronter une horde de féministes aussi vénères que Chuck Norris, le réalisateur du Pianiste décida donc de jeter l’éponge et annonça qu’il ne viendrait pas.

TROIS PÉTITIONS, UNE DÉMISSION COLLECTIVE

Une deuxième mèche s’alluma début février, lorsque quatre cents personnalités du cinéma, dont Omar Sy, Bertrand Tavernier, Céline Sciamma ou Marina Foïs, signèrent une tribune dans Le Monde appelant à « une réforme en profondeur » de l’Académie des Césars, la jugeant « trop élitiste » et critiquant « l’opacité des comptes ». La réponse de l’Académie ne se fit pas attendre : le comité de direction donna sa démission collective. Comme dit le dicton « jamais deux sans trois », une nouvelle pétition, cette fois-ci intitulée #BlackCésar, fit son apparition il y a quelques jours, réclamant cette fois-ci : « une meilleure inclusion des artistes issus des Outre-mer et de l’immigration africaine et asiatique ». À leur décharge, le coronavirus n’avait pas encore émergé. Bref, cette « grande famille du cinéma », comme aimaient à le rappeler sur scène, chaque année, nos starlettes du 7ème art, s’est réunie hier soir salle Pleyel aussi fraîche et enthousiaste qu’un lendemain de gastro.

FORESTI : MI-FINE MI-LOURDINGUE

Il revenait à Florence Foresti d’animer cette soirée électrique. Après une ouverture dansante en clin d’œil à Joker guère intéressante, l’humoriste s’essaya un jeu d’équilibriste très casse-gueule : « Bonsoir mesdemoiselles, bonsoir mesdames et bonsoir… ah si, il en reste, bonsoir messieurs. Peut-être qu’ils ont un bracelet électronique ». L’entrée donne le ton. Entre vanne réussie : « Il semblerait que je sois blanche, hétéro et d’héritage chrétien.  Bon je m’excuse, mais je suis une femme », et celle attendue : « On va être sur du rire bio, je vais être consensuelle, aucune blague sur les vegans, les animaux, les transexuels, les femmes…  Bon : on va se faire chier. »  Foresti essaya de désamorcer la bombe par un audacieux : « Faut qu’on règle un dossier. On va avoir douze moments où on va avoir un souci. Qu’est-ce qu’on fait avec Atchoum ? », lança-t-elle en signalant de la main la petite taille de Polanski… «  Je ne suis pas la Greta Thunberg du cinéma français ! » Maligne, elle rattrapa cette audace par des saillies lourdingues comme : « J’accuse » qui traite de la pédophilie dans les années 70 »… L’équipe du film appréciera.

Sandrine Kiberlain, présidente de cette 45ème cérémonie, confirma qu’une cruche pouvait aussi être une grande actrice.

CONTREPOIDS ET ANANAS

Sandrine Kiberlain, présidente de cette 45ème cérémonie, confirma qu’une cruche pouvait aussi être une grande actrice. Entre un grotesque « Bonsoir à toutes » et une citation de Victor Hugo de derrière les fagots : « Une moitié de l’espèce humaine est hors de l’égalité, il faut l’y faire rentrer : donner pour contrepoids au droit de l’homme, le droit de la femme », Kiberlain rassura son petit monde : il y aurait du contrepoids, même con. Le premier César – meilleur espoir masculin – fut remis à Alexis Manenti pour son rôle de flic dans Les Misérables. La soirée débutait bien pour l’un des favoris avec ses onze nominations. La Belle Époque de Nicolas Bedos, l’autre favori (également onze nominations), glana le deuxième César, celui des meilleurs décors. Le premier flottement intervint lors de la remise du César des meilleurs costumes au J’accuse de Polanski. Pas de sifflements perçus derrière les baffles poussés à bloc. Ce n’était que partie remise. Discours rapide, peu de revendication, on s’ennuierait presque… Heureusement, l’actrice Aïssa Maiga, cosignataire de la tribune #BlackCésar, débarqua fagotée comme un ananas pour remettre le César du meilleur espoir féminin. La comédienne offrit en introduction une logorrhée racialiste que n’aurait pas reniée Rokhaya Diallo : « Ça fait plus de deux décennies que je ne peux pas m’empêcher de compter le nombre de Noirs dans la salle. J’en ai oublié un, c’est Vincent Cassel, c’était toi le renoi du cinéma français avant la diversité ! » On ne savait ce qu’il y avait de plus gênant entre le regard éberlué de l’acteur ou le seul rire qui s’égraina : celui d’Aïssa. Pas décontenancée, elle continua « Nous avons survécu au whitewashing, aux blackfaces, aux tonne de rôle de dealers, de terroristes…. »  Tout est du même acabit, nous nous arrêterons là, il faut se montrer charitable, surtout à l’occasion d’un vendredi de Carême.

LE JURY ÉCLAIRE LES MASSES

Aïssa Maiga ayant ouvert le bureau des réclamations, les suivants lui emboitèrent le pas et l’un des ingénieur-son du Chant du Loup, récompensé, s’essaya à une diatribe socio-écolo-égalitaire en guise de remerciement, appelant à « « sortir de ce modèle de domination masculine post-coloniale ». Ouf, le Camp du Bien s’était pleinement réveillé et Josiane Balasko fit alors son entrée pour remettre le César du public, créé en 2018 pour récompenser le plus gros succès public pour un film français (films populaires rarement nommés par l’Académie). On avait appris quelques jours plus tôt, par Philippe de Chauveron, réalisateur de Qu’est ce qu’on a encore fait au Bon Dieu (6,7 millions d’entrées), que « ce nouveau César, c'(était) un bras d’honneur au public ». Josiane Balasko tenta de désamorcer cette énième polémique en expliquant le récent changement de règles : il ne s’agissait plus de récompenser le film le plus plébiscité, mais, parmi les cinq plus grands succès du box office, que les membres du jury élisent un lauréat. Nuance. Ainsi, Les Misérables purent remporter la mise avec ses deux millions d’entrées. Le bras d’honneur n’est quand même pas loin.

Discours médiocre et ambiance lourde, la fête commençait sérieusement à renarder du goulot.

PLAISIR DU RENIEMENT, JOIE DE LA DIFFAMATION

« J’ai décidé qu’Atchoum n’est pas assez grand pour faire de l’ombre au cinéma » tenta de se convaincre la maitresse de cérémonie, mais l’ombre de Polanski planait bien salle Pleyel. Lorsque Jean-Pierre Darroussin décacheta l’enveloppe du César de la meilleure adaptation, il bégaya avant de refuser de citer le nom du gagnant et le titre de son film,  J’accuse,  lui qui déclarait il n’y a pas si longtemps : « Pour moi, Roman Polanski compte parmi la dizaine de réalisateurs les plus importants qui aient jamais existé. » Discours médiocre et ambiance lourde, la fête commençait sérieusement à renarder du goulot. La toujours grande Emmanuelle Devos rehaussa le niveau lorsqu’elle remis à Fanny Ardant le César de la meilleure actrice dans un second rôle (La Belle époque), expliquant avec son ironie rare : « Je veux dire aux actrices que si vous ne l’avez pas, ça ne veut pas dire que vous êtes moins bonnes, ça veut dire que vous êtes finie ». Sarah Forestier, toujours aussi élégante, répondit par un doigt d’honneur. Le César du meilleur acteur dans un second rôle revint à Swann Arlaud pour son interprétation dewaerienne dans Grâce à Dieu, déclarant que  « Barbarin a été relaxé, les artistes ne font pas  la justice mais ils peuvent dire des choses que la justice tente d’étouffer ». En langage juridique on appelle ça de la diffamation, au cinéma on s’en félicite.

ROSCHDY CLASSE ET KASSO SOBRE

Le César du meilleur acteur fut logiquement attribué à Roschdy Zem pour sa sublime interprétation de commissaire dans Roubaix, une lumière. Dans un discours élégant, l’acteur remercia son réalisateur, Arnaud Desplechin, « qui transforme le moyen en bon, le bon en très bon, le très bon en excellence. Je ne suis surement pas le meilleur acteur, mais c’est mon meilleur rôle ». Puis ce fut au tour de Matthieu Kassovitz de monter sur scène pour remettre le César de la meilleure actrice. On pouvait craindre le pire, mais l’acteur-réalisateur déclara simplement : « J’espère qu’on sera toujours capable de jouer le jeu de la séduction au cinéma comme dans la vraie vie ». La toujours pétillante Anaïs Demoustier (Alice et le maire) souffla la récompense qu’Adèle Haenel et ses comparses néo-féministes espéraient. Il restait alors deux récompenses à remettre.

RIFIFI FINAL

Evincée quelques jours plus tôt de la soirée des Révélations des César par l’ex-président de l’Académie Alain Terzian, la réalisatrice Claire Denis prenait sa revanche en montant sur scène pour remettre le César de la meilleure réalisation. La tension était forte et, à la surprise générale, c’est le nom de Roman Polanski qui sortit de l’enveloppe. Cette fois-ci, on entendit clairement percer les cris de colère, Adèle Haenel se leva et quitta la salle en déclarant « Quelle honte ! », suivie de sa réalisatrice Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu) et d’une centaine de personnes qui ne virent donc pas Ladj Ly et ses Misérables recevoir le prix du meilleur film, tout comme Florence Foresti, d’ailleurs, qui refusa de revenir sur scène et préféra poster sur son Instagram : « Écœurée ». Auraient-elles quitté la salle en voyant celui qui conseillait à « l’autre connasse » de Zineb El Rhazoui d’aller « se faire enculer », glaner le fameux sésame ? Ce n’était pas au programme. Du cinéma, il y en eut ainsi beaucoup, hier soir, Salle Pleyel.

LE PALMARÈS COMPLET

César du meilleur filmLes Misérables de Ladj Ly.

César de la meilleure réalisation J’accuse de Roman Polanski.

César de la meilleure actrice : Anaïs Demoustier pour son rôle dans Alice et le Maire.

César du meilleur acteur : Roschdy Zem pour son rôle dans Roubaix, une lumière.

César du meilleur acteur dans un second rôle : Swann Arlaud pour son rôle dans Grâce à Dieu.

César de la meilleure actrice dans un second rôle : Fanny Ardant pour le rôle de Marianne dans La Belle Epoque.

César du meilleur film étranger : Parasite du Sud-coréen Bong Joon-ho.

César du meilleur premier filmPapicha de Mounia Meddour.

César du meilleur scénario original : Nicolas Bedos pour La Belle Epoque.

César des meilleurs décors : Stéphane Rozenbaum pour La Belle Epoque.

César des meilleurs costumes : Pascaline Chavanne pour J’accuse.

César du meilleur espoir féminin : Lyna Khoudri pour son rôle dans Papicha.

César du meilleur espoir masculin : Alexis Manenti pour Les Misérables

César du meilleur court-métrage d’animation : La Nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel.

César du meilleur long-métrage d’animation : J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin.

César du meilleur documentaire : M de Yolande Zauberman.

César du meilleur film de court-métrage : Pile Poil de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller.

César du public : Les Misérables de Ladj Ly.

César du meilleur son : Nicolas Cantin, Thomas Desjonquères, Raphaël Mouterde, Olivier Goinard et Randy Thom pour Le Chant du loup.

César de la meilleure adaptation : Roman Polanski et Robert Harris pour J’accuse, d’après le roman D. de Robert Harris.

César du meilleur montage : Flora Volpelière pour Les Misérables.

César de la meilleure photographie : Claire Mathon pour Portrait de la jeune fille en feu.

César de la meilleure musique originale : Dan Levy pour J’ai perdu mon corps.

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