TOUJOURS CLASSE ET DÉSINVOLTE
Les Démons de Simon Liberati, Stock, 334 p., 20,90 €
Les romans de Simon Liberati sont des objets bizarres, foutraques, scintillants, comme des bijoux monstrueux. Celui-ci replonge en 1967, année qui fascine l’auteur (cf. Jayne Mansfield 1967), peut-être parce qu’il est attiré par les fins-de-siècle, la décadence, et que justement, « les termes “fin d’une époque” semblaient convenir à l’année 1967, pleine d’énergies nouvelles et toujours dans l’urgence des tensions internationales ». La mythologie des sixties se bouscule dans cette comédie extravagante où l’on croise Warhol, Capote, Aragon. Les héros portent des prénoms de conte gothique (Donatien, Taïné), et des noms de roman russe ; ils roulent en Maserati 3 500 GT Sebring, « une des plus jolies berlinettes des années 1960 » – toujours le goût de Liberati pour les petits bolides artistement carrossés, qui foncent. L’intrigue est désinvolte à souhait, sans importance ; on traverse le livre en état de légère ébriété, on le referme avec l’impression d’avoir joué dans un film de Losey. Expérience improbable et chic, avec un petit côté Morand – la vitesse et les fêtes – rehaussé d’accents pop. Bernard Quiriny
TOUJOURS DÉLIRANTE ET VAINE
La Discrétion de Faïza Guène, Plon, 252 p., 19 €
Portrait d’une famille d’immigrés algériens : la mère, 70 ans, « tellement d’amour qu’une centaine de fils et de filles pourraient se le partager », et quatre enfants adultes. Dès le début, le roman tourne au tract. Tract contre la Francequi accueille mal ses immigrés, « douée pour leur confisquer leurs espoirs et enterrer leurs rêves dans des milliers de petits cercueils. » Tract contre la voisine et son gros chien, Kaiser (!). Contre les « éditorialistes et autres polémistes islamophobes à qui on donne la parole pour beugler leur haine la bave aux lèvres ». Contre les fonctionnaires ultramarins qui« n’honorent pas la mémoire de leur admirable compatriote Frantz Fanon ». À un moment, l’une des héroïnes, chez lepsy, raconte un rêve. Elle est au restaurant avec sa mère ; des CRS débarquent, font coucher tout le monde, puis desmilitaires les canardent à la mitraillette. L’un ressemble à Le Pen, « il rigole, il a l’air trop heureux ». Littérairement, çane vaut rien, mais comme document sur le délire de persécution, c’est intéressant. Bernard Quiriny
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