Après La Révolution française en 2013, voici que vous écrivez sur Louis XVI. Est-ce un cycle ?
Il n’y a pas d’un côté l’école Modiano (écrire toujours le même livre) et de l’autre la méthode Bowie (se réinventer à chaque album). La vérité est entre les deux : on va sur de nouveaux territoires tout en repassant plus ou moins malgré soi par les mêmes cases.
Qu’est-ce qui vous plaît chez Louis XVI, pour que vous l’ayez ressuscité lui, plutôt qu’un autre ?
Je suis fasciné par son exécution le 21 janvier 1793 : une des scènes les plus extraordinaires de l’histoire de France. Il est injustement décrié, moqué, alors que sa personnalité est attachante : un homme doux dingue et rêveur, inadapté, à côté de sa couronne, complètement ailleurs. Après lui il y a eu la Restauration (un flop) et la Monarchie de Juillet (un bide). Pour moi c’est avec lui que s’achève la monarchie française. J’ajoute que sans sa mort, Napoléon n’aurait pas eu de destin. En cette année 2021 où tout le monde ne parle que de Napoléon, il était temps de revenir à Louis XVI.
« J’aimais Louis XVI pour des raisons familiales et poétiques plus que politiques », écrivez-vous. Est-ce votre version personnelle du culte mélancolique du passé ?
Le passéisme est une poupée russe : en notre époque étriquée, on regrette le Grand Siècle mais, sous Louis XIV, un type comme Saint-Simon rêvait de Louis XIII ; et sous Louis XIII, il devait se trouver plus d’un nostalgique du règne d’Henri IV... Plus je vieillis, plus j’aime le XVIIe et le XVIIIe siècles, notamment pour cet art de la conversation qui a peut-être culminé dans les années 1780 avec cette fameuse « douceur de vivre » vantée par Talleyrand (ce génie). Je me fous comme de ma première chemise à jabot de l’abolition des privilèges, mais il est vrai que mon histoire familiale (quatorze victimes La Rochefoucauld sous la Révolution) ne peut que contribuer à me faire voir l’Ancien Régime comme un paradis perdu.
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Le grand personnage ressuscité est une ficelle inusable. Aviez-vous des exemples en tête ?
Je connais Le Retour du Général de Duteurtre mais ne l’ai pas lu – et je n’ai pas voulu le lire pour que ça ne me bride pas. J’avais en tête deux lectures lointaines (et fantasques) : Le Fantôme de Canterville de Wilde et Le Napoléon de Nothing Hill de Chesterton. Et j’ajoute une troisième influence essentielle : Fouquet et le Soleil offusqué de Morand. J’admire la manière avec laquelle Morand arrive dans ce livre à écrire dans un style à la fois XVIIe et moderne. C’étaient mes modèles, et je m’aperçois que je ne réponds pas à votre question... [...]
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