Accident industriel conservé dans le formol, le Maigret de Patrice Leconte est une aberration qui fait penser à Henoch, le fœtus obèse et marqué à qui Guillermo Del Toro consacrait tout un générique dans son Nightmare Alley. Mais l’attraction secrète pour initiés devient ici une tête d’affiche, un monument patrimonial dévoré par les lézardes, une monstruosité clinquante et exténuée. Dès le titre monolithique, l’attention est portée sur le héros de Georges Simenon, à l’exclusion de tout contexte, et incarné (comme un ongle) par un Gérard Depardieu abattu, marmonnant et absent de lui-même. Si l’argument de départ vient du roman Maigret et la jeune morte, le commissaire présenté ici est plus dans la continuité du Bellamy de Claude Chabrol, qui se donnait clairement pour une variation simenonienne.
Un découpage abusif avorte de chaque situation péniblement amenée ou surlignée
On remarque également, dans un contre-emploi malvenu, Aurore Clément qui joua l’une des victimes des Fantômes du chapelier, autre adaptation chabrolienne de Simenon. Ces clins d’œil tombent tous à plat, tant le film semble désinvesti et privé de substance. La reconstitution chipoteuse multiplie les inserts sur des menus objets, mais nul parfum d’un temps révolu ne monte aux narines. Les Trente Glorieuses sont des piteuses, aucune scène ne s’impose, sauf à la rigueur l’essayage de la robe, au tout début, où un semblant de sensualité se joue entre la soie et les mains de l’habilleuse. Un découpage abusif avorte de chaque situation péniblement amenée ou surlignée (Depardieu de profil prononçant les mots « dans le noir » est enchaîné avec... un fondu au noir). Quoique plutôt bref – moins d’1h30 – il semble manquer des plans de coupe dans ce Maigret qui hoquette une intrigue ridicule, soi-disant remise au goût du jour, avec ballets roses, lesbianisme et non-consentement à tous les étages. (...)
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