« On écrit toujours le même livre », disait Proust. Guilluy est sans doute l’essayiste le plus fidèle à cette maxime, reprenant sans cesse, pour l’approfondir, la même intuition : celle d’un schisme socio-culturel qui séparerait la France périphérique, dépossédée sur tous les plans mais animée par une immémoriale « décence commune », des élites métropolitaines acquises à la modernité néolibérale. Dans Métropolia et Périphéria, c’est la forme qu’il fait varier. Chiffres et graphiques ne réussissant pas à capter le drame existentiel dudit schisme, Guilluy voulait, dans son livre le plus personnel, adopter une démarche qui laisse percer « la lumière ordinaire » à travers « la brume opaque des représentations officielles ». L’intention est noble, mais le pari est raté. S’essayant à la fable orwelienne puis au théâtre satirique, sans talent littéraire particulier pour soutenir les deux, Guilluy met en scène un propos tellement caricatural qu’il en perd sa force démonstrative. Au lieu de rendre ses thèses sensibles, son manichéisme un peu grossier, opposant le peuple toujours-pur aux élites coupables-de-tout, opère une mise à distance très artificielle, sans les ambivalences qui font l’intérêt du procédé littéraire. Il imagine un nouveau procès de Valladolid qui jugerait de la présence ou non d’une âme chez les gens ordinaires – tout en disant avant n’avoir croisé dans « le monde » que des « êtres sans âme ». [...]
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