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N°86

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Le culte des victimes - Le crépuscules des héros

Les articles clés du numéro N°86

Mathieu Bock-Côté – Éric Kaufmann : vers une nouvelle ère post-progessiste ?

François, le pape des ruptures : entretien avec Christophe Dickès

Victime de père en fils : entretien avec Pascal Bruckner

Éditorial culture de Romaric Sangars : SOS salauds

Éditorial d’Arthur de Watrigant : Tu seras une victime, mon fils

Sommaire

ÉDITO
3. Tu seras une victime, mon fils

PORTRAIT
4. Jean-Yves Le Gallou : dissident au carré
6. Alain Destexhe : iconoclaste lucide

L’ÉPOQUE
9. Abbé Vincent de Mello : François, pape du paradoxe
11. Christophe Dickès : François, pape des ruptures
13. La pape François et l’Orient

DOSSIER
14. Le culte des victimes – le crépuscule des héros

MONDE
36. Mathieu Bock-Côté – Éric Kaufmann : vers une nouvelle ère post-progessiste ?

IDÉES
44. Le Mystère au bout du microscope
46. Entre démocrate chrétien, il faut choisir
48. Samuel Fitoussi : l’intelligentsia au pilori
50. Giacomo Leopardi : à l’ombre des Lumières

CULTURE
53. SOS salauds
54. Georges Mathieu : le déchaînement grandiose
58. Georges-Olivier Châteaureynaud : « Le fond de l’air sent l’Apocalypse »
62. Qui, mais qui ? Michel-Georges Micberth
65. Jon Fosse : catholique expérimental
66. The Raveonettes : du surf sous la pluie
70. Les Linceuls : l’exploit d’un vétéran

LA FABRIQUE DU FABO
74. La graisse est-elle de droite ?
75. Le solaro, étoffe paradoxale pour éternels apéritifs
76. Pâtés et terrines : l’esprit français
80. Partout les saints : sainte Élisabeth
81. 1er mai 1891 : Fourmies rouge
82. La carte noire par Richard Millet

Extrait de l’édito

TU SERAS UNE VICTIME, MON FILS

Le pape nous a quittés. François est parti au lendemain de la victoire du Christ. Il aura tenu son ministère jusqu’au bout, rappelant que le sacerdoce n’est jamais loin de l’expression populaire. Après un carême de souffrance, mourir après la défaite de la mort, c’est quand même pas mal. Le temps de l’Église est long, bien hasardeux celui qui tirera le bilan de son pontificat dès aujourd’hui. On verra si les semences poussent – du moins si on tient jusque-là. L’époque se révèle bien incertaine, les choses bougent bien vite, trop peut-être. L’Église, elle, reste droite, solide sur ses appuis malgré les bourrasques. Si l’emballage eût pu paraître des plus suspects à certaines époques, deux mille ans d’existence prouvent que le produit est bon. On a même doublé le nombre de catéchumènes baptisés en France. Pareil pour les ados. Les obsédés de la laïcité – que François ne pouvait pas blairer – pointeront du doigt la chute des baptêmes des nouveau-nés pour se rassurer. Quoi, la chrétienté serait en voie de disparition et on ne nous aurait rien dit ! Quelle surprise. De là à faire un lien avec notre société qui part en sucette…

Alors comment comprendre cette croissance du nombre de baptisés ? D’autant que l’accréditation s’obtient bien plus difficilement que des papelards d’identité. Suivre le Christ aujourd’hui relève d’une gageure punk. Faut être bougrement brindezingue pour demander à être sauvé. On appelle ça la foi. Les sommations du monde n’y changeront rien. L’élévation de l’âme restera infiniment plus sexy que l’obsession du nombril. Le confinement a laissé des traces et les soutanes ont grand remplacé les vieilles pompes orthopédiques. Tant mieux. On veut du beau et du grand. Un truc qui nous transcende, comme les trois B qui nous rappellent que Dieu existe quand on doute : Bach, Bernanos et Bardot. Dans une société qui promeut le soi, transforme les vertus en caprices et les promesses en échecs, le catholicisme offre une belle porte de sortie pour l’enfant qui ignore la raison de sa tristesse. Être catholique, c’est chercher la vérité. Et la vérité, c’est le Christ. Si le Verbe s’est incarné, ce n’était pas pour faire du tourisme. La conversion est une rencontre. Heureusement, les intermédiaires sont nombreux. Les guides nous font gagner du temps. Il y a les saints, bien-sûr, mais aussi tous les autres. Ceux qui nous élèvent, ceux qu’on admire, ceux à qui on veut ressembler. Alors quand on découvre que leur moteur s’appelle le Christ, forcément la tentation de faire un bout de chemin avec lui pointe son nez. Sait-on jamais : peut-être découvrirons-nous la joie. Mais encore faut-il les voir. La confusion règne. L’époque n’est plus aux martyrs, ni aux héros, mais à la célébration de la victime. Elle n’a rien demandé mais on lui moule une statue. Certaines y prennent goût. Après tout, quitte à souffrir, autant récolter la gloire.

Gisèle Pelicot vient d’être nommée parmi les « cent personnes les plus influentes de 2025 » par le magazine américain Time. Une journaliste britannique a même lancé une pétition pour qu’elle récupère le Prix Nobel de la paix. Remarque, l’Union européenne l’a bien reçu en 2012. Barack Obama aussi : en guise de remerciement, il explosa les ventes d’armes. Gisèle Pelicot n’a rien demandé, et surtout pas les sévices infligés par son ordure de mari. Elle a même opté pour le pas de côté lorsque les hystériques brandissaient le sécateur à roupettes. Mais voilà, elle est devenue une icône, symbole de la victimolâtrie. Une vague qui dégueulasse tout, même les héros. Arnaud Beltrame en a fait les frais. Cette cruche d’Anne Hidalgo lui a rendu hommage en lui offrant un jardin et une plaque indiquant « victime de son héroïsme ».

« Tu seras une victime mon fils ». Voici le nouvel horizon. On appelle ça un suicide.

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