Ainsi, après avoir mis en scène la censure implacable exercée par la novlangue victimaire des minorités indignées dans Un traître mot, Thomas Clavel aggrave son cas avec son deuxième roman, Hôtel Beauregard. Cette fois-ci, il n’est pas question de liberté d’expression mais de liberté tout court. Le récit se déroule en période de pandémie et résonne fortement avec le contexte actuel. Le Pusillaevirus, un virus de type respiratoire, circule activement sur tout le territoire. Distanciation sociale, gestes barrières, masques sont érigés en principes absolus du vivre ensemble. Délation sanitaire et chasse à l’homme sont instaurés comme les nouveaux devoirs hygiénistes du citoyen.
Comme dans Un traître mot, le personnage principal est pris, malgré lui, en flagrant délit d’infraction aux injonctions ambiantes. Sur le banc des prévenus, on y trouve Axelle, une jeune chercheuse en biologie marine sans histoire. Son chef d’accusation : ne pas avoir porté le masque lors d’un pot de départ. Cet oubli aurait pu être ignoré de tous si ce moment festif n’avait pas été immortalisé par un selfie immédiatement publié sur les réseaux sociaux.
L’ère du lynchage numérique
Axelle paye cher sa distraction. Pour cet oubli, jugé criminel, elle est condamnée à la guillotine numérique où sa tête est mise à prix. Thomas Clavel décrit avec force le mécanisme infernal du mimétisme de la haine décuplé par la puissance des réseaux sociaux. On assiste à la traque impitoyable lancée par une influenceuse, ultra populaire, ancienne petite frappe de quartier, reconvertie en prêtresse de l’hygiénisme gouvernemental. Il suffit de taguer pour traquer et de hashtaguer pour lyncher. Il faut effacer la traitresse, il faut déshumaniser l’ennemie du peuple hygiéniste, lit-on entre les lignes. [...]
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