[vc_row][vc_column][vc_column_text css=”.vc_custom_1588344161927{margin-right: 25px !important;margin-left: 25px !important;}”]
En regardant Didier Raoult sur BFM lors de son entretien consensuel avec Apolline de Malherbe, étant moi-même un peu long à la détente alors que je suis Raoult depuis un moment, je réalise que sa récente et gigantesque popularité tient très certainement, au-delà de ses compétences médicales, à son ton particulier, à sa diction bonhomme et péremptoire qui lui fait dire, en mélangeant sophismes et vérités, les choses comme si elles étaient des évidences absolues, des réalités éternelles gravées dans le marbre pur de l’excellence scientifique.
Outre qu’il ne s’embarrasse pas de quelques tours de passe-passe, comme lorsqu’après avoir montré une courbe en cloche pour dire que les Chinois avaient sonné la fin de l’épidémie chez eux en utilisant la chloroquine, il explique à une Apolline conquise que l’épidémie quoiqu’il arrive, confinement ou non, traitement ou pas, dessine une courbe en cloche comme le font à chaque fois les maladies infectieuses, il ne se départit jamais du ton d’un professeur agacé et néanmoins bienveillant, expliquant encore et toujours à un élève médiocre, qui reposerait sans cesse les mêmes questions, les bases de sa matière : « En médecine on fait ainsi et on ne fait pas comme ça, ceux qui font comme ça ne sont plus médecins », etc.
Lire aussi : Vers une normalisation du télétravail
On l’écoute et nous voici rassuré, on a même l’impression d’avoir été enseigné, de savoir à notre tour ce qu’il faut faire et ne pas faire, pour peu on gérerait l’épidémie, et grâce à nous on sortirait du confinement demain, on compterait moins de morts, la chloroquine distribuée partout à la barbe de « Big pharma », on ferait mieux que tout le monde parce que nous, nous aurions fait les choses correctement comme Raoult a dit qu’il fallait les faire – non sans avoir forcément tort sur tout par ailleurs. Cependant, on se rappelle aussi que si nous avons été rassurés puis inquiétés, il y a peu ou prou quatre mois de cela, c’est-à-dire à l’époque du monde d’avant, en janvier et en février, il y a une éternité donc, c’est aussi parce que des gens au ton péremptoire, Raoult comptant parmi eux, nous ont expliqué qu’il n’y avait rien à craindre et que ceux qui craignaient quelque chose, craignaient cette chose sans raison, par ignorance de la façon dont ce genre de chose se passe ; puis, si nous nous sommes affolés, ensuite, c’est parce que les mêmes gens nous ont expliqué qu’il s’agissait là en fait d’une maladie très dangereuse, dont nous devions nous inquiéter, une menace sans précédent aucun, ou presque, sinon les fléaux d’une époque noire dont la modernité nous avait délivrés. Nous n’avions pas peur ? Eh bien, nous avions tort ! Forcément, entendre cela débité par les mêmes experts qui prétendaient le contraire quelques jours auparavant a rabattu quelque peu leur superbe, alors que Didier Raoult, lui, restait imperturbable du haut de son empyrée marseillais – pour lui ça n’était rien.
On lui pardonne ses erreurs car il met en avant celles des autres sans jamais reconnaître les siennes
Rétrospectivement, c’est surtout une question de ton et d’attitude, il en aurait sûrement été autrement s’ils avaient dit avec une gouaille méridionale quelque chose de cet ordre, à imaginer accompagné des accents raoultiens : « Bon… pour ce virus on va faire ce qu’on a toujours fait, c’est à dire confiner, c’est ce qu’on a fait à Marseille pour la peste, ce qu’on a fait au siècle dernier pour le choléra, et ça a très bien marché, il n’y a plus de peste, plus de choléra en France donc… Et puis bon, c’est ce que font les Chinois qui sont les seuls à connaître le virus pour l’instant, donc je ne vois pas pourquoi les Chinois se tromperaient… À quoi bon traiter les gens puisque si on les confine, ils n’attrapent plus la maladie ; les gens sont devenus fous, ils veulent traiter à tout va, mais un médecin, il est content si les gens ne sont pas malades, il n’est pas là pour distribuer des médicaments comme des bonbons ; depuis Hippocrate on le sait, c’est de bon sens, quelqu’un en bonne santé, il n’a pas besoin de traitement, on marche sur la tête ! En plus, là, ça tombe bien, on n’a pas de traitement, donc plutôt que de se lancer dans des recherches qui vont coûter un argent monstrueux, sans garanties de résultats, on confine toute le monde pendant deux mois, et en juin ce virus on en parle plus ! Après, vous savez, moi je ne fais pas de politique, ceux qui ne veulent pas confiner, c’est surtout pour des raisons économiques, parce que ça ne rapporte pas un sou à l’industrie pharmaceutique de confiner, pas pour des raisons médicales ! Pour moi, en tant que praticien : vous n’attrapez pas la maladie, vous ne mourrez pas, c’est aussi simple que ça ! »
Lire aussi : Sortir de l’idéologie de marché par Mathieu Detchessahar
Mais, la faconde de Raoult ne tient que parce qu’il n’a jamais été aux affaires, on lui pardonne ses erreurs car il met en avant celles des autres sans jamais reconnaître les siennes, ce qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler un gouvernement tant honni par les supporters de Raoult ; ainsi, pour lui, seuls 4000 chinois sont morts du coronavirus, il déduit désormais un taux de 1 à 2 pour cent de mortalité pour cette maladie lors qu’auparavant, bien avant la question d’un traitement, il estimait celui-ci à l’entour de 0,5 pour cent maximum, soit le score qu’il obtient avec sa bithérapie, il refuse de prédire quoi que ce soit avant de prédire la fin de l’épidémie pour juin maximum, mais peu importe, la stature de Raoult et son image, telle que lui-même ne la défend pas, l’emporte sur la réalité de ce qu’il est : un scientifique qui, comme tous les autres, s’est trompé, probablement pour de bonnes raisons, et quelqu’un qui, comme Macron et ses séides, continue de dire qu’il a eu raison sur tout – tout le temps. Pour la première fois d’ailleurs, hier, Raoult a concédé une gravité particulière de la maladie : celle-ci entraînerait des séquelles graves et invisibles d’abord – de quoi nous effrayer à bon droit. Une façon de se mettre à la page de la catastrophe, car tant que le conseil scientifique et les politiques seront moqués, on ne songera pas à regarder ce qu’ont dit ou fait ceux qui les moquent… L’imbécile regarde le doigt, l’intelligent ce que le doigt désigne, et personne celui qui montre du doigt.
Rémi Lélian
[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]