Encore plus merveilleux que prévu parce que c’est cela qu’il nous faut maintenant, après près de trois mois d’anti-vie, dans quoi certains ont pu trouver le bonheur, n’en doutons pas, mais sur le dos de la bête, qui est moi qui est vous. On a d’ailleurs vu le salarié fuir enfin son putain de bureau pour sa campagne en Dordogne ou dans l’Allier, libéré pour la première fois de sa vie : il n’avait plus besoin de travailler, si tant est que sa tâche quotidienne inutile au monde entier puisse être qualifiée de travail, n’avait même pas l’impression de manger sur ses congés, et c’est l’État, le méchant État, bizarrement changé en maman d’adolescent, qui payait. La bonne conscience au ventre, notre bourgeois a bien joui de ses longues semaines au soleil naissant de printemps. Dans sa tête résonnaient les derniers échos de sa lointaine jeunesse où rien ne comptait, où il se nourrissait d’amour et d’eau fraîche. Mais c’est encore lui prêter trop de rêves. Bref, il est repu et en demande encore.
C’est en quoi il nous faut changer : en quoi il nous faut une résurrection et une insurrection du même mouvement. Mais il faut comprendre que nous avons besoin des deux en même temps, et que l’une ou l’autre, seule, demeurera stérile. Chacun égoïstement se prononce dans son for interne, si tant qu’il en ait les moyens matériels, pour une nouvelle vie, à quoi il a réfléchi profondément durant ces heures perdues que le virus lui a accordées : tel chasseur de têtes se rêve désormais dessinateur de bédé, tel employé du ministère s’imagine cultivant son potager à l’ombre d’un orme du Berry.
Pourtant cela seul, quoique noble dans l’intention, demeure misérable si ne l’accompagne une vision générale de la France et du monde où tout soit changé.
Merveilleuses rêveries sous le grand arbre de Chateaubriand qu’ils n’ont hélas pas lu, mais peut-être le temps y pourvoira. Se disent-ils. Pourtant cela seul, quoique noble dans l’intention, demeure misérable si ne l’accompagne une vision générale de la France et du monde où tout soit changé.
Papa l’État que ces gens généralement haïssent ne sera pas là tout le temps, en tout cas pas là où ils l’attendent. Papa l’État sera ruiné par leur profit caché, qu’ils se garderont bien de raconter puisque cela va à l’encontre de leur idéologie et même du réel. Donc si l’on ne change pas tout pour pouvoir ressusciter, tout s’écroulera. Mais on ne les voit guère se précipiter pour changer, réformer, imaginer, eux bien planqués où l’on ne risque rien, comme si ces événements ne faisaient que prouver une fois encore leur lâcheté et leur paresse, à eux les soi-disant forces de la nation. On ne les entend pas, on ne les voit pas bouger. Comme si la France était pour l’éternité une vacance.
Or non.
La France c’est la vie, et ça vous l’avez oublié, bien confinés replets dans votre tanière de Hobbits. La France c’est l’aventure, et ça n’est pas qu’un gros gâteau que demain la Russie, les États-Unis, la Chine, qui d’autre, viendront se partager.
La France c’est la vie, et ça vous l’avez oublié, bien confinés replets dans votre tanière de Hobbits.
La France ne veut pas forcément mourir maintenant ou en tout cas nous ne le voulons pas, et ça suffit pour la ranimer: la France si elle était morte par hasard veut ressusciter, et il faut la secouer, donc il faut une insurrection qui soit le thème de la résurrection.
Mais une insurrection de l’intelligence, comme savait Maurras, et non un bordel discipliné qui voie dans le premier financier venu la cause de nos malheurs, laquelle est cachée bien plus profondément dans nos reniements, nos traîtrises, nos peurs, nos compromissions, nos impuissances générales. Nous sommes grands, nous sommes la France, nous avons seulement besoin de nous débarrasser de nos névroses de petitesse. Pas de traquer le complot qui n’existe pas. Il y a un seul complot, celui des imbéciles, et les imbéciles, c’est nous.