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Philippe Bilger : « Si la police est en permanence présumée coupable, ce n’est plus la peine qu’elle essaie d’intervenir »

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Publié le

9 juin 2020

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Philippe Bilger est un ancien avocat général. Il a servi la Justice française cependant près de quarante ans, dans des affaires particulièrement délicates. Il est aujourd’hui retraité et écrivain. Éclairage d’un technicien de la Justice sur les propos de Christophe Castaner.

 

Que vous inspirent les propos de Christophe Castaner qui demande que « la suspension soit systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré d’actes ou de propos racistes » ?

 

Je trouve très surprenant ce débat qui apparaît à la suite, soyons honnête, d’une manif du 2 juin qui a été totalement interdite. Je trouve assez surprenante la démarche du président demande au Premier Ministre de réfléchir sur les mesures pour mieux assurer la déontologie des policiers, alors qu’en l’occurrence, tout ce qui existe à l’heure actuelle est largement suffisant. Il faut simplement faire respecter les principes et leur application.

Je suis un peu lassé de voir ce pouvoir, même au niveau du Président et en tout cas chez Christophe Castaner, évoluer de manière alternative, voir contradictoire. A la suite de la manifestation du 2 juin, Christophe Castaner décide d’interdire dans les écoles de police et de gendarmerie la méthode de l’étranglement. Il dit que tout soupçon de racisme avéré entraînera la suspension du policier. Je suis parfaitement pour poursuivre les propos racistes, mais j’espère que du côté des délinquants on aura la même modération : on acceptera de sanctionner également les propos racistes et transgresseurs très fréquents à l’égard de la police.

 

Lire aussi : Castaner à genoux devant la famille; Traoré

 

Je suis très étonné qu’on n’ait pas profité de ces manifestations du 2 juin pour mettre sur la table l’ensemble des problématiques et des relations entre les citoyens et la police, ceux qui la détestent, ce qu’elle a à dire, ses droits et ses devoirs. Je vous parlais de Castaner tout à l’heure, parce qu’apparemment il a aussi dit « quand on a de l’émotion, ça dépasse les règles juridiques ». Je ne savais pas qu’il était un si grand sensible, notamment lorsqu’il donnait des orientations contradictoires contre les Gilets Jaunes. J’ai défendu la police à cette occasion, mais tout de même on ne peut pas dire que l’autorité de l’État contre les Gilets Jaunes ne s’est pas manifestées.

 

Bien que les manifestations aient été interdites, Christophe Castaner a déclaré qu’il n’y aurait pas de sanctions ni de PV pour les personnes y ayant participé. Est-ce un aveu d’un deux poids deux mesures à l’égard de des manifestants indigénistes par rapport aux manifestations des Gilets Jaunes ?

 

C’est clair. Moi-même je bats ma coulpe. J’ai dénoncé les violences illégitimes de la police à l’époque contre les Gilets Jaunes, mais globalement j’ai trouvé qu’elle a eu une mission très difficile et elle a usé de la force légitime dont elle a le monopole, la plupart du temps de manière très correcte. La comparaison avec les manifestants actuels est très instructive. Le pouvoir, disons-le, est faible avec les forts et fort avec les faibles.

Quoique qu’on prétend des Gilets Jaunes, c’était la plupart du temps des braves gens, exaspérés par la misère, leur condition de vie difficile, ce n’était pas des transgresseurs par nature. Il y avait chez eux une forme, j’ose le dire, de faiblesse. Là, l’État a été très fort n’est-ce pas, très très fort. Je pourrais être intarissable sur l’affaire Adama Traoré. C’est quelque chose d’hallucinant. Cette famille, dont le passé est douteux, se permet de dire à Belloubet « bah je vais vous apprendre des règles de droit, la séparation des pouvoirs » et n’hésite pas à organiser pour samedi prochain une manifestation nationale interdite, mais à part ça on respecte l’indépendance de la justice.

 

Quoique qu’on prétend des Gilets Jaunes, c’était la plupart du temps des braves gens, exaspérés par la misère, leur condition de vie difficile, ce n’était pas des transgresseurs par nature. Il y avait chez eux une forme, j’ose le dire, de faiblesse. Là, l’État a été très fort n’est-ce pas, très très fort.

 

Et puis bien sûr, comment voulez-vous que la police, qui a une mission difficile partout et notamment dans les quartiers difficiles où elle va rarement parce qu’elle n’est pas bien reçue parce qu’elle dérange les trafics de drogue, et qui ne se sent pas soutenue par l’État, comment voulez-vous que la police reconquière ces territoires au nom de la République ? Elle pourrait le faire si elle avait la certitude la certitude, qui devrait être élémentaire pour une autorité de l’État légitime. Il est évident que dès lors qu’on veut exercer sa mission dans certains lieux, dans certains quartiers, il ne faut pas être naïfs, tôt ou tard il y aura des incidents, des dysfonctionnements, des empoignades et des blessures. Si la police est en permanence présumée coupable, ce n’est plus la peine qu’elle essaie d’intervenir.

 

Estimez-vous qu’avec ses déclarations, le ministre de l’Intérieur devrait démissionner ?

 

Non. Encore une fois je bats ma coulpe. Je l’ai défendu sincèrement, honnêtement, lors des épisodes interminables des Gilets Jaunes, mais je pense que tout à coup il découvre… je ne sais pas, une forme d’humanisme abstrait. Il est touché par la grâce. Est-ce que ses opposants permanents lui ont distillé qu’il devait être réformé, ou est-ce qu’il se réinvente comme le président de la République ?

 

Non, il fait être clair. Le pouvoir en lui-même, sur le plan de l’autorité de l’État, sur le plan de la lutte contre les incivilités et les transgressions, du soutien à la police, était vraiment tout sauf performant. Mais, entendons-nous bien, si à chaque fois qu’un ministre causait un problème ou était médiocre, y compris sous Emmanuel Macron, on demandait sa démission, on aurait bientôt un gouvernement qui serait totalement vide !

 

Propos recueillis par Guillaume Duprat

 
 
 
 
 

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