La première mission de l’Etat est de protéger les personnes qui vivent régulièrement sur son territoire. Apparemment, il y a de graves défaillances et les responsabilités sont introuvables. On peut faire le parallèle avec l’assassinat de deux jeunes femmes devant la gare Saint-Charles, le 1er octobre 2017, par un Tunisien en situation irrégulière en France depuis 2005 au moins puisqu’à cette date, il avait fait l’objet d’une mesure d’éloignement, non suivi d’effet. Soupçonné de vol quelques semaines avant son attentat, la préfecture du Rhône avait renoncé à le placer en centre de rétention ou à l’éloigner. Les parents des victimes ont engagé la responsabilité de l’État. Sans succès. Le Tribunal administratif de Lyon n’a relevé aucune faute imputable à l’État (jugement du 22 janvier 2020) alors que, rappelons-le, un étranger en situation irrégulière doit être reconduit à la frontière et qu’en l’occurrence, cela n’avait pas été fait depuis quinze ans au moins.
À la suite de l’attentat de la semaine dernière, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a annoncé qu’il allait prendre des mesures sans que l’on puisse en déterminer précisément le contenu. Il ne faudrait pas que le débat dévie sur la nécessité d’accueillir les mineurs isolés tandis que repousser les faux mineurs isolés puis les faux mineurs isolés dangereux seraient une priorité. Les mineurs isolés sont, en soi, un problème qui révèle les maux de notre organisation.
Les départements auraient enregistré 40 000 jeunes migrants en 2018 contre 25 000 en 2017 et 13 000 en 2016. Le département est la collectivité territoriale aux finances les plus exsangues parce que ses compétences sont d’abord sociales. Dans un entretien au Figaro, l’ancien président du Conseil départemental de Seine-et-Marne, Jean-Louis Thiériot, évalue le coût des mineurs isolés pour ce département à 30 millions d’euros. Ne nous y trompons pas, quelqu’un supporte ce poids financier. Un exemple : dans le passé, les transports scolaires étaient gratuits pour les familles. Il est désormais payant pour la plupart d’entre elles. C’est également la manifestation d’une fausse décentralisation car naturellement le département n’a pas de prises sur les critères d’admission du mineur isolé sur son territoire.
Les départements auraient enregistré 40 000 jeunes migrants en 2018 contre 25 000 en 2017 et 13 000 en 2016.
Il faut également avertir Gérald Darmanin que l’État n’a pas beaucoup de marge de manœuvre non plus. Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de celle des juridictions souveraines (Conseil d’État, Cour de cassation) qui appliquent la convention internationale sur les droits de l’enfant (notamment son article 20) que quand il s’agit d’un mineur, la nationalité n’existe plus. Le Conseil constitutionnel a déduit du préambule de la Constitution de 1946, écrite en un autre temps, une exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant qu’il soit français, étranger ou étranger en situation irrégulière. Concrètement, un mineur étranger, même en situation irrégulière, qui pose le pied sur le sol français ne peut pas être renvoyé.
Le mineur qui ne fait pas son âge ensuite. Le Conseil constitutionnel a admis avec beaucoup de précautions qu’il soit possible de recourir aux tests osseux pour déterminer l’âge de l’individu qui se prétend mineur. Mais c’est le juge judiciaire qui doit autoriser le recours à ce test après que l’intéressé a donné son consentement éclairé qui lui a été demandé dans une langue qu’il comprend. La minorité est présumée. Si l’on en croit ce que relate la presse, les services départementaux avaient eu des doutes sur la minorité du ressortissant pakistanais. Mais le juge a refusé d’ordonner le recours au test osseux et a exclu que l’intéressé soit majeur. Résultat : le département a dû le prendre en charge. S’il avait fait preuve de mauvaise volonté, le juge des référés saisi l’aurait rapidement contraint à accueillir le jeune homme.
Pourtant, l’information sur l’âge réel était à portée de la main. À peine était-il arrêté que les services de police découvraient sur lui une pièce d’identité révélant qu’il avait, en fait, vingt-cinq ans. Y aura-t-il une suite pour le magistrat qui n’a pas fait toutes diligences pour établir l’âge réel d’un individu qui, dans un premier temps, constitue une lourde charge pour les finances publiques au détriment d’investissements plus urgents et, dans un second temps, a commis une violente agression ? Non, aucune responsabilité particulière.