Auteur du « roman de la langue », un cycle de plusieurs essais percutants, « logocrate », au sens de George Steiner, c’est-à-dire qui redonne au langage sa primauté métaphysique, et ayant conversé directement ou indirectement avec Gustave Thibon, Dominique de Roux, Ernst Jünger ou Valère Novarina, Philippe Barthelet pense la langue au plus haut avec les plus grands. Il se trouve qu’il l’exerce selon les mêmes coordonnées. C’est ce que nous prouve Le Cadet, livre de souvenirs en forme de miroir brisé, écrit il y a plus d’une décennie mais qui n’est publié qu’aujourd’hui, après l’achèvement du précédent cycle. Deux parties : l’enfance puis l’adolescence, constituées de brefs chapitres à la limite du poème en prose et qui font chacun miroiter une réminiscence.
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Le procédé d’énonciation est très distancié : l’auteur disant « il » pour désigner l’enfant qu’il fut, et évoquant son parrain ou ses tantes sans qu’aucun nom propre ne vienne fixer des identités repérables. Même son Jura natal n’est jamais identifié de la sorte, mais se devine au fil d’indices. Une forme d’impressionnisme littéraire, donc, la comparaison n’ayant ici rien de la facilité puisque les traits particuliers s’effacent en effet pour laisser vibrer toutes les couleurs. Par ses sensations dispersées échappant à l’état-civil, l’enfant devient l’enfance ; toute la France gaullienne ressuscite ; et le lecteur, au lieu d’être appelé à considérer un objet situé, est happé dans une spirale de détails, d’impressions et d’affects, qui le projettent à coup sûr dans le monde décrit par l’écrivain. [...]
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