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Depuis le début de la campagne, les réseaux sociaux et la presse élégante trouvent très intelligent de se foutre de certains candidats RN aux photos de campagne dévoilant des tronches héroïques. Avant toute chose, on se demande comment le RN peut laisser des candidats se mettre dans des situations pareilles. N’existe-t-il pas une commission d’investiture dans le parti ? Un comité régional chargée de mettre les candidats un peu en valeur ? Un nettoyeur de pages Facebook ?
D’autre part, cet épisode souligne le manque de cadres et de notables locaux passés au RN. Sourires dentifrice. Costards appropriés. Dégaines rassurantes. Copier-coller de cadres LR mais avec « les immigrés dehors » en plus. C’est con, mais le public vote avant tout pour ce genre de candidats clonés et aseptisés de la chemisette…
La question qui nous occupe ici souligne surtout une différence fondamentale entre le RN et les autres : si la plupart des formations politiques sont des partis avec des cadres mais sans militants, le RN est un parti de militants sans cadres. Ce sont donc les piou-piou de base qui partent au combat électoral…
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Parce que cette minuscouillettiste affaire des affiches RN nous dit quelque chose du monde politique actuel : l’irruption du peuple dans une élection nous paraît désormais incongru. Pour être élu en 2021, il faut faire partie de cette classe, de cette « race » serais-je tenté de dire, d’hommes et de femmes interchangeables. Dégaines calibrées. Même vocabulaire. Même tics verbaux. Même vacuité dans le discours. Yuppies de merde, en gros. Même profil « gestionnaire ». Le monde politique aujourd’hui est dominé par une classe sociale : le secteur tertiaire et particulièrement l’encadrement du secteur tertiaire. Le reste de la population regarde passer les trains. À l’Assemblée nationale, il y a 4,6% d’employés et aucun ouvrier. Pourtant, ces catégories socio-professionnelles représentent la moitié de la société française ! À l’inverse, il y a 76% des députés qui sont cadres ou issus des professions intellectuelles alors même qu’ils ne représentent qu’une infime partie des électeurs. « L’existence sociale des hommes détermine leur pensée », on ne le dira jamais assez, camarades !
Les candidats RN représentent donc les vestiges dans la politique d’un monde méprisé et qui n’intéresse plus personne : les plombiers et les caissières qui écoutent du Johnny. Les femmes au foyer et les retraités de la métallurgie qui ont mis leur plus beau costard pour la photo mais dont la tronche trahit la vie. Des beaufs ? Peut-être… mais n’importe quel beauf aux idées simples ferait mieux que Macron et sa loge de surdiplômés. L’homme politique de nos jours à réponse à tout mais n’a d’idée sur rien. Aujourd’hui, ce n’est pas l’absence de compétences le problème, mais bien l’absence de couilles !
Les militants RN de base (ou de « Bretagne en Héritage » en Bretagne) n’ont donc pas la tronche de premiers de l’ENA. Mais je leur souhaite d’être élus rien que pour faire entrer le réel et le 15 du mois dans ces assemblées de cadres bancaires et de conseillers juridiques
Et puis ce « racisme de classe » de la bourgeoisie rigolarde de gauche cache avant tout une vraie jalousie. Certains candidats RN avec des gueules d’Al Pacino et des CV de manutentionnaires vont faire, à ces élections, des scores trois fois plus importants qu’un attaché parlementaire diplômé de l’ENA encarté à Génération.s. La gauche a juste oublié qu’un plaquiste de souche ça vote et qu’un anarcho-féministe de l’université de Rennes II, ça ne vote pas, en fait.
Les militants RN de base (ou de « Bretagne en Héritage » en Bretagne) n’ont donc pas la tronche de premiers de l’ENA. Mais je leur souhaite d’être élus rien que pour faire entrer le réel et le 15 du mois dans ces assemblées de cadres bancaires et de conseillers juridiques. Ils y parleront de leur expérience d’habitants des quartiers populaires abandonnés face aux immigrés. Ils leur détailleront leur dernière liste de courses pour faire comprendre que le Paic Citron Lidl ça pollue mais qu’on ne peut se payer que ça.
Parce que la dictature du prolétariat de souche et la liquidation de la bourgeoisie intello de gauche, ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée finalement.