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Christine and the Queens, Redcar ou l’autoparodie permanente 

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Publié le

15 décembre 2022

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Parce que la pop culture, malgré ses joyaux, est avant tout une sous-culture de masse, il ne faudrait pas oublier de prendre du recul et de la gifler tous les mois. L’Incorrect tient à votre hygiène mentale, voici #Antipop.
redcar

C’est une sensation rare et précieuse que celle d’assister à un spectacle de fin d’année organisé par la COTOREP – mais en direct sur la BBC et filmé par une armée de caméras haute définition. Pour la présentation de son nouvel album, Les Adorables Étoiles, « Redcar » a mis les bouchées doubles : la scène est plongée dans le noir, un archange rouge-sang fait office de décor – on dirait du Matthew Barney, c’est « so 1995 », mais enfin bon, pourquoi pas. Intervient Christine, pardon, Héloïse Letissier, pardon, Rakim, pardon : REDCAR, sa dernière évolution Pokemon en date, donc. Pourquoi Redcar ? Parce qu’à la mort de sa mère, notre pasionaria transgenre a noté une étonnante affluence de voitures rouges dans son environnement visuel.

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Bon, passons sur le délire morbido-psychanalytique tout juste bon à réveiller les pulsions lacaniennes d’un critique des Inrocks. « Rakim » n’avait pas plu aux pleurnichards communautaires (appropriation culturelle, il paraît), au moins en tapant dans les objets manufacturés, la chanteuse ne prend pas de risque : on ne voit pas le débonnaire patron de l’Automobile Club lui demander des comptes. Qui dit nouvelle entité dit nouveau look : Redcar est fringué.e comme une sorte de Monsieur Loyal poisseux, le visage lustré par une transpiration pailletée, canne en main et gants en latex rouges vaguement inquiétants. On sait que « Redcar » refuse toute opération, qu’elle envisage sa transition comme purement intellectuelle – ontologique, pourrait-on dire. 

Plus gênante que dégenrée 

En fait, Héloïse se contente de s’habiller en mec, et elle voudrait qu’on s’étrangle de stupeur devant cette in- croyable nouveauté: le travestissement. Ou comment redécouvrir l’eau chaude lorsqu’on n’a pas envie de se mouiller. Héloïse Machin nous ressort finalement une énième resucée de David Bowie, elle voudrait comme lui incarner une sorte de shock rock mystique, devenir la figure emblématique d’une androgynie incantatoire. C’est raté. Passons sur la musique, l’habituelle soupe néo-coldwave pour défilé de mode, tendance Jeanne Mas sous Subutex. Après tout, là encore on pourrait fermer les yeux : ça fait vingt ans que les producteurs éreintent l’héritage des années 80 et ça ne semble pas près de s’arrêter.

Cette gestuelle de handicapée mentale, syncopée, fruit d’une trop savante digestion de gimmicks chorégraphiques, est d’une laideur repoussante

Non, le vrai problème, c’est Héloïse. La pauvre créature ne sait décidément plus quoi faire pour se rendre intéressante : a-genrée, sans doute, mais surtout secouée de spasmes mongoloïdes, éructante, transpirante et grimaçante presque plus qu’un musicien de heavy metal, sauf qu’elle se contente de fredonner une sorte de pop slammée aux paroles redoutablement inoffensives : « Les choix sont faits et les choix se font / Un pied devant l’autre et seconde après seconde / Mon amour rime avec toujours, toujours / Woah-oh, oh-oh, oh-oh, oh, woah, oh-oh, oh ». Cette gestuelle de handicapée mentale, syncopée, fruit d’une trop savante digestion de gimmicks chorégraphiques, est d’une laideur repoussante : c’est en fait tout l’inverse de David Bowie, qui avait su puiser dans le fantasme androgyne une grâce et une ferveur loin de ce monde. 

Autosabotage 

Avec Redcar, on a rarement eu autant l’impression de voir un artiste en faire trop. À ce point de cabotinage, c’est presque de l’auto-sabotage. On dirait Christophe Hondelatte dans ce clip ridicule qui avait fait connaître ses méfaits musicaux, c’est dire. À la voir gesticuler avec un tel sérieux pour ânonner sa poésie d’hypokhâgneuse constipée, on commence à mettre le doigt sur le problème majeur de ces artistes « transgenres » : le manque d’humour. À force de se penser comme les hérauts d’une cause universelle, ils ne font que se heurter encore et encore à leurs impasses égotiques. Redcar est une parodie sans générosité, une parodie de musique pop, une parodie de l’esthétique transgenre ; et surtout: une navrante parodie d’elle-même. 

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