Dans votre premier roman, Céline Laurens, vous vous êtes intéressée à un sujet marginal : les gitans à Lourdes ; dans celui-ci, vous vous recentrez à Paris et dans un lieu qui devrait être celui de l’extrême banalité : le métro. Pourquoi une telle alternance ?
Céline Laurens : Pour moi, il n’y a pas d’alternance radicale, ce qui m’intéresse, c’est de confronter des points de vue, des soucis de société et des registres différents. Je me livre, comme dans mon précédent roman, à une superposition de récits au sein d’un même lieu, qui n’est plus Lourdes, mais le métro parisien, et c’est moins le métro en tant que tel, qui m’intéresse, que l’idée du quotidien. J’aime anoblir le quotidien : pour moi, c’est le révélateur moral. Bien agir dans une situation héroïque, cela me paraît plus facile que de mettre en action au jour le jour certaines valeurs. Ça m’intéressait de représenter le métro comme s’il s’agissait d’un organe et si j’ai choisi la ligne 6, c’est parce que c’est une ligne à la fois souterraine et aérienne. Chaque chapitre marque comme une station dans la vie du personnage, plus on va profondément sous terre, plus on creuse dans les souvenirs enfouis.
Le métro permet aussi d’évoquer une faune aussi vaste que variée...
CL : On a tendance à dire que j’écris sur des « marginaux », un terme que je n’aime pas du tout parce que je le trouve paternaliste. Par contre, le mot « clochard » me plaît, il vient de « la cloche », qui veut dire « boiter », et pour moi c’est important d’avoir des personnages qui boitent, parce que ça me permet de développer un regard transversal sur nos vies. Ce qui est intéressant avec le métro, c’est que c’est vraiment un reflet de la société à un moment T. Cela étant, je n’aime pas écrire de manière réaliste et ce ne sont pas les problèmes sociétaux qui m’importent, mais les choix moraux. Chacun de mes personnages incarne une réponse morale à un problème sociétal. [...]
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