En septembre 1968, Robert Linhart, jeune militant de la gauche prolétarienne, entre sous couverture à l’usine Citroën de la porte de Choisy, afin de mieux connaître la classe ouvrière, de fraterniser avec elle et de semer in vivo les ferments de la révolution. L’échec qu’il connaîtra au bout d’une année lui inspirera en 1978 un récit appelé à devenir un classique et qui emprunte à cette mission d’agitateur le nom d’époque dont on l’affuble : L’Établi. Si le livre n’est pas le chef-d’œuvre que l’on vante partout – la faute notamment à un relâchement dans sa seconde partie, avec abus de phrases nominales et de passages à la ligne pour signifier l’urgence –, c’est néanmoins un document exceptionnel sur la déshumanisation du travail à la chaîne. L’écriture de Linhart, de par sa précision, parvient à communiquer au lecteur l’expérience tangible du primo-ouvrier. Sa plume est comme une caméra subjective qui enregistrerait chaque geste et chaque retentissement de ce geste dans le corps de qui l’accomplit, tout en parvenant à saisir l’environnement aussi bien proche que lointain. On sent véritablement la grisaille, le chaos, la dépossession de soi ; Les Prisons de Piranèse semblent attendre à notre porte. [...]
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