Blonde Thaïs, j’aurais voulu t’écrire d’autres lettres. Car il y eut cette nuit de juin où tu fus belle, où ta fraîcheur me sauta au visage : une harmonie classique qui inspire des valses, des rythmes princiers, quelque chose de viennois. Mais blonde Thaïs, vois plutôt mon épître, et désole-toi qu’y triomphe la colère. Car depuis longtemps Vienne est morte, et les diadèmes abandonnés ont versé dans la fosse des internets. Voilà la vilaine cour où officient les petites pépites de l’aristocratie dans ton genre.
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Elles y font des bêtises. Ton dada, après les Arabes, y est devenu les femmes. Sur ton compte X, tu parles principalement d’« evopsy », c’est-à-dire de psychologie évolutionniste, donc de la manière dont les contraintes de l’évolution ont façonné les psychologies différenciées des femmes et des hommes.
Tu tweetes donc quotidiennement sur les errances des relations hommes-femmes contemporaines, et invectives les « femmes modernes », selon toi des demi-pétasses à l’ego hypertrophié par les réseaux sociaux et les applis de rencontre qui dédaignent s’abaisser aux avances de l’homme du quotidien. Chaque jour est une nouvelle occasion de dénoncer leurs travers, dans des posts dont l’outrance misogyne correspond à la culture du buzz des réseaux.
Ton dada, après les Arabes, y est devenu les femmes. Sur ton compte X, tu parles principalement d’« evopsy », c’est-à-dire de psychologie évolutionniste, donc de la manière dont les contraintes de l’évolution ont façonné les psychologies différenciées des femmes et des hommes.
Ton logiciel idéologique en reste tragiquement au niveau du reportage animalier. Oui Thaïs, il existe des différences incompressibles entre les hommes et les femmes. Quelle trouvaille ! Voici cependant deux bémols, que je claque sur tes petites joues dorées. Déjà, tu ne tires pas ton audience de jeunes mecs désespérés vers le haut. Oui, mes petits frères galèrent. Mais ta réponse consiste à leur donner de la femme moderne en pâture plutôt qu’à les enjoindre à l’héroïsme. Évidemment, c’est plus confortable, mais les hommes n’ont jamais grandi par le confort. Messieurs, chargez ! Chargez dans les bars, dans la rue, sur les bancs de vos universités. Parlez, parlez sans cesse, cultivez votre éloquence, surtout votre insolence, prenez des risques, méprisez quiconque prétende juguler votre fougue, et les femmes seront vôtres. Non, nulle idéologie féministe, nul réseau social ne les a rendues insensibles au charme des garçons qui dansent avec la vie.
Ensuite, tu traites les femmes comme de petits animaux infidèles et limités, et ça c’est franchement insupportable, surtout pour notre désir. Car si vous n’êtes plus les souveraines de la terre, le parfum de notre mélancolie, de nos souvenirs les plus chers, la substance de la poésie, bref tout un tas de trucs qui m’ont fait chialer à vingt piges, à quoi bon vous aimer ? À force de réduire les relations hommes-femmes à la nature, vous en évacuez évidemment toute la beauté. Pour toi, identitaire, le couple est d’abord la clef de voûte de la société, qui doit permettre de faire des enfants bien français pour distribuer de grands coups de civilisation européenne dans le 93 en temps voulu.
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Les femmes sont donc surtout des pondeuses. Or toi et ta clique de biologistes de comptoir, on appelle ça la droite païenne pour ne pas dire plus, obsédés d’ordre naturel d’Evola, pensez à l’envers depuis toujours. La nature n’est pas un point d’arrivée mais de départ. L’univers culminera dans le sentiment, donc dans l’amour, fin en soi, seul commandement pour les hommes. Fonder une famille n’est qu’un moyen pour le caresser du bout des doigts. Alors blonde Thaïs, la malice de ton sourire et la pureté de ton nom te destinent à des amours brûlantes, des passions inconsidérées. Éteins un peu ton ordinateur, oublie le compteur des likes, et va cueillir la beauté du monde, va cueillir les poèmes que tu inspireras. Ou les lettres.