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Éditorial d’Arthur de Watrigant : L’histoire d’une union, d’un divorce et de parpaings

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12 juillet 2024

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Les divorces sont terribles. Surtout pour les enfants. Les militants de Reconquête l’ont redécouvert ces derniers jours. Pire encore, ils étaient orphelins, les voici aujourd’hui écartelés.
@LINCORRECT

Les divorces sont terribles. Surtout pour les enfants. Les militants de Reconquête l’ont redécouvert ces derniers jours. Pire encore, ils étaient orphelins, les voici aujourd’hui écartelés. Orphelins car ils n’avaient pas de parti incarnant leur courant de pensée, qu’on pourrait résumer grossièrement à national-conservateur, mais résolument de droite. Ils ont trop longtemps vu les gauches se réunir à chaque élection en affirmant que les droites étaient irréconciliables, sauf à trahir de Gaulle, la France, l’honneur, Jean Moulin, son âme, les moustiques, le vivre-ensemble, les borgnes, les tours Eiffel tunnées, les Lumières et à s’exclure du fumeux arc républicain.

Alors Éric Zemmour est arrivé. Accompagné de Sarah Knafo. Elle a bâti un parti en un temps record, offrant aux orphelins une nouvelle maison. La campagne présidentielle était lancée, les sondages grimpaient plus vite qu’une chèvre des montagnes – et l’immigration, la délinquance, l’islam, les LGBT et les wokes dégénérés n’étaient plus sournoisement glissés sous le tapis en espérant que ça passe. Zemmour, une nouvelle génération et une autre plus ancienne l’ont découvert un samedi soir chez Laurent Ruquier. Une bouffée d’air bienvenue dans un pays asphyxié par le gauchisme culturel. La sulfateuse en main, le journaliste du Figaro arrosait le gauchiste, le lâche, le débile et le collabo. C’était jouissif.

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Poussé par quelques proches, la star des audiences qui rêve de Napoléon la nuit devait-il quitter son strapontin cathodique pour l’épopée politique ? Chacun à un rôle à jouer sur cette planète qui part en sucette, même Aymeric Caron, même Sandrine Rousseau, sinon qui détesterait-on (charitablement parlant) ? Éric Zemmour jouait le sien avec une efficacité redoutable. La politique, c’est autre chose. L’ivresse parfois, les coups souvent. Il faut une folie pour franchir le pas, un manque d’humilité peut-être mais du courage surtout.

Marion Maréchal, elle, a débarqué tel un ouragan au printemps 2012 devenant la parlementaire la plus jeune de l’histoire de la Vème et qui ne craint pas d’envoyer à la tronche de Manuel Valls alors Premier ministre son « mépris crétin ». Elle surprend par son travail, son talent et ses convictions qui ne sont ni résiduelles, ni conjoncturelles. Elle aurait pu glaner la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2015, tout en dénonçant le totem du planning familial, si Estrosi n’avait pas affrété les bus des maisons de retraite pour dresser son barrage, épaulé par toutes les corpos sous perfusion d’argent public.

On oublie trop souvent la France invisible. Pas assez communautarisée pour qu’on la considère, trop silencieuse pour qu’on l’écoute, trop blanche pour être victime et trop éloignée des métropoles pour emmerder le bourgeois.

Alors quand Éric Zemmour et Marion Maréchal se sont retrouvés un soir de 2022 à Toulon sur la même scène, ce qui n’était pour beaucoup qu’une espérance trop lointaine devint soudainement un espoir bien réel. Malheureusement, les votes cachés n’existaient pas et la défaite fut brutale. Les montagnes russes laissent des traces et les fissures inhérentes à tout parti politique prirent le dessus. Heureusement une seconde chance pointait son nez avec les européennes, mais le favori avait le visage du Rassemblement national. Pourtant quelques années plus tôt, à la suite des régionales de 2021, rares sont ceux qui pensaient que le parti de Marine Le Pen arriverait un jour au pouvoir. Et aux débuts de la présidentielle de 2022, nombreux sont ceux qui annonçaient même sa fin. Mais la présidente a l’expérience : « Nous ferons campagne avec le calme des vieilles troupes » affirma-t-elle alors qu’Éric Zemmour s’offrait un sondage à deux chiffres.

On oublie trop souvent la France invisible. Pas assez communautarisée pour qu’on la considère, trop silencieuse pour qu’on l’écoute, trop blanche pour être victime et trop éloignée des métropoles pour emmerder le bourgeois. Marine Le Pen est allé à leur rencontre. Sans tapis rouge, ni mariachis. Quelques mois plus tard, 88 députés du Rassemblement national entraient au Parlement. Un évènement historique. Une route semblait tracée pour l’accession au pouvoir en 2027, avec une étape intermédiaire comme rampe de lancement : les européennes de 2024. Tout se déroulait comme prévu. Mais pour mieux court-circuiter un plan qui se déroulait sans accrocs, Emmanuel Macron explosa le Parlement. Une campagne éclaire débutait.

Pas le temps de trop réfléchir, sauf pour Les Républicain qui se satisfont avec une asthénie confondante de regarder les trains passer. Et il ne faut jamais l’oublier, le temps est un luxe que les plus pauvres ne peuvent pas s’offrir. Éric Ciotti, lui, en deux heures a pris sa calculette et a compris que sans franchir le Rubicon, il ne retournerait pas au Palais Bourbon. À la hussarde, sans prévenir personne, mais avec le titre du président du parti, le Niçois rejoint Marine Le Pen, laissant ses collègues pantois. Tant mieux pour lui, tant mieux pour la droite, le cordon sanitaire se fendillait un peu plus. D’autant plus que cette fois-ci, le Rassemblement national montre des signes d’ouverture. Pas assez pour Bruno Retailleau, pas assez pour François-Xavier Bellamy pourtant assurés d’avoir un mandat : à force de refuser de se salir un peu les mains, ils préfèrent la posture agréable des pures et nier que le RN existe comme un gauchiste refuse d’affronter le réel. En attendant, la gauche s’unit, et à la fin c’est la France qui perd.

A force de refuser de se salir un peu les mains, les LR préfèrent la posture agréable des pures et nier que le RN existe comme un gauchiste refuse d’affronter le réel.

Cette fois-ci le parti de Marine Le Pen ne se présente pas pour être chef de l’opposition mais pour gouverner. On ne gouverne pas sans majorité, ils le savent et affirment vouloir unir sans hégémonie. Sauf avec Éric Zemmour. Le président de parti Reconquête a tapé trop longtemps et trop fort sur le RN, oubliant que seule la gauche sait tout oublier le temps d’un scrutin. Il leur offre un magnifique paratonnerre, un rôle terriblement ingrat mais néanmoins très efficace. Mais martyr et politique ne font pas bon ménage. Marion Maréchal fidèle à sa ligne de l’union de droite saute sur l’occasion, la chance est trop belle, non pour elle mais pour la France. Elle est exclue de Reconquête. Le jeune Stanislas Rigault hésite puis décide de rester fidèle à celui qu’il admirait devant son poste de télévision et qui l’a lancé en politique. La politique malheureusement est faite de séparation, mais aussi de réconciliation.

Éric Zemmour accuse le coup. Il apparaît blessé sur BFM TV. Les mots sont durs. Le divorce se juge en public. Comme toujours les torts sont souvent partagés mais les accusations sont violentes. On cause pognon, complot, manipulation, rien de bien nouveau : rien d’étonnant les communs accords sont rares dans les ruptures, en politique comme dans la vie privée.

A 20h00 les résultats tombent. Gueule de bois pour le camp national. Il n’a pas perdu, le Nouveau Front Populaire qui n’est rien d’autre qu’un front très ancien tout sauf populaire n’a pas gagné mais le récit se met en marche. Le roman national c’est bien s’il est de gauche. Ce n’est que partie remise, à condition pour la droite et ceux qui refusent de se dire de gauche, d’apprendre vite qu’on peut s’envoyer des parpaings dans la tronche toute la journée, sauf le temps d’une élection et sans rancune.

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