On ne compte plus les élus, militants, collectifs ou partis de droite ayant subis une clôture de compte intempestive. En 2017 Marine Le Pen était exclu d’HSBC. En 2021 le Crédit du Nord fermait le compte de Charles Gave, homme d’affaire et essayiste, fondateur de l’Institut des Libertés. En 2023, le Crédit Mutuel-Arkea se séparait du média Breizh Information, quelques semaines avant que le Crédit Mutuel n’informât le collectif Nemesis de sa décision de fermer le compte de l’association fondée par Alice Cordier. La même année Vincent Lapierre, du Média pour Tous, subissait la même avanie. Julien Rochedy, Papacito ou Thaïs d’Escufon, pour ne citer qu’eux, ont vécu des expériences similaires. Le député RN Thibaut Monnier remarque avec consternation avoir eu besoin de quatre mois en 2022 pour ouvrir un compte de campagne, « là où les autres partis ont mis trois jours ». Au vrai, depuis 2017 les banques ne se gênent plus.
L’UMP, endetté pour 55 millions d’euros, pouvait rester à la SG
A l’issue de la campagne présidentielle, la Société Générale écrivait au trésorier du Front National, lui annonçant son intention de fermer tous les comptes du parti et de ses fédérations. Marine Le Pen et Louis Aliot eurent beau dénoncer une oligarchie, et le trésorier Wallerand de Saint-Just remarquer que l’UMP, endetté pour 55 millions d’euros, pouvait rester à la SG, rien n’y fit. Le FN alla jusqu’à saisir la Banque de France, conjointement avec le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, qui souhaitait « vérifier que la loi a[vait] été respectée ». La vénérable banque centrale ne se donna pas la peine de mener une enquête formelle, mais une simple analyse sur la base de « contacts oraux » avec M. Saint-Just et la Société générale, avant de conclure que la SG avait bien respecté le cadre réglementaire.
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A tout le moins, la Banque de France enjoignit le Crédit du Nord, lui-même filiale de la Société générale, d’ouvrir un compte au FN. Toutefois les banquiers nordistes refusèrent au parti de disposer d’un chéquier, et empêchèrent que les dons puissent se faire par carte bancaire via le site Internet du parti. Mais « le compte ouvert, selon la procédure de droit au compte, fonctionn[ait] conformément à la loi, même si le dispositif ne suffi[sai]t pas à couvrir les besoins exprimés par le Front national », jugea alors la BdF, rapportant que le Crédit du Nord proposait bien les services bancaires prévus par le droit au compte.
Chez les Britanniques, les politiques ont encore du pouvoir sur leur administration
Pour résumer, un cadre de la Banque de France passa deux coups de fil avant de déclarer que le règlement était respecté. Un ministre en exercice et le premier parti de France se virent infliger un fin de non-recevoir. A l’inverse, au Royaume-Uni, lorsque la banque privée Coutts ferma en juin 2023 le compte de Nigel Farage en raison de son positionnement politique, ce qui était son droit, le Premier ministre et toute la classe politique s’en émurent, au point que l’affaire se termina par la démission du président et du directeur général de la banque et le maintien de Farage dans ses livres de comptes. Chez les Britanniques, les politiques ont encore du pouvoir sur leur administration.
S’agissant de Qonto, nous avons consulté une source, directeur du risque et de la compliance de plusieurs banques. Les établissements bancaires sont très régulés et doivent notamment lutter contre le blanchiment. Des textes de l’Union Européennes définissent qui sont les personnes politiquement exposées. Pour simplifier, ce sont celles qui exercent ou ont exercé « des fonctions publiques éminentes », lesquelles sont réputées « vulnérables aux abus de corruption ». Ce n’est le cas d’aucun dirigeant de l’Incorrect. Mais les personnes politiquement exposées peuvent représenter un risque réputationnel.
Notre source nous a confirmé que les banques ont étendu la notion de risque réputationnel à la politique, et que des dirigeants utilisent cette extension pour malmener les gens dont l’opinion leur déplaît.
Ainsi, avoir des relations d’affaire avec quelqu’un peut menacer votre propre image. N’importe quel vendeur en ligne sait qu’il suffit parfois d’une mauvaise expérience, d’un mauvais rapport qualité-prix, d’un service après-vente peu performant pour que le lien de confiance soit rompu et que la réputation s’écorne. Elle peut aussi s’étioler à l’issue d’un incident : catastrophe industrielle, pollution de l’eau ou de l’air, dysfonctionnement en termes de santé et sécurité au travail, etc. Un fournisseur ayant une mauvaise réputation peut rejaillir sur une entreprise. Rappelons-nous des marques de prêt-à-porter occidentales qui ont sérieusement pâti de la catastrophe du Rana Plaza, en 2013, lorsqu’un immeuble abritant des ateliers de confection s’est effondré au Bangladesh, causant plus de mille morts parmi les ouvriers qui y travaillaient dans des conditions précaires.
Steve Anavi et Alexandre Prot prennent des décisions politiques chez Qonto
Notre source nous a confirmé que les banques ont étendu la notion de risque réputationnel à la politique, et que des dirigeants utilisent cette extension pour malmener les gens dont l’opinion leur déplaît. Dans ce contexte notre source est formelle : fermer le compte de l’Incorrect est une décision purement politique qui n’a pu être prise au niveau du directeur des risques et de la compliance. Maxime Laot, Chief Risk & Compliance de Qonto, a dû considérer que notre image pouvait nuire à celle de son employeur, et, éventuellement, proposer d’agir. Mais la décision a été prise plus haut, à l’étage de la direction générale, tenue par les cofondateurs Steve Anavi et Alexandre Prot.
Un homme de Fabius chez Qonto
La fortune de ces deux entrepreneurs est estimée par Challenges à 500 millions d’euros. Nous avons remarqué que Jean-Pascal Beaufret siège à leur conseil d’administration. Ce monsieur est aussi une personne politiquement exposée, car il a appartenu au cabinet de Laurent Fabius à Bercy puis Matignon, et fut marié avec Frédérique Bredin, ministre sous François Mitterrand. A notre connaissance, ce double standard n’a pas l’air de constituer un problème chez Qonto, ce qui constitue une violation de la neutralité politique.
Qonto est exposé politiquement à gauche
En refusant cette neutralité, Qonto, qui n’a pas répondu à nos questions, est désormais exposé politiquement à gauche. Il est vrai que le site web de l’établissement met en avant une vision woke dans laquelle un « monde inclusif est l’affaire de tous(tes) ». Il va de soi que, comme toute entreprise valorisant la diversité et l’inclusion, le conseil d’administration ne comporte que des hommes blancs. Quand elles sont promues par des ultras capitalistes, la diversité et l’inclusion sont pour les autres.
Le conseil d’administration de Qonto est blanc et patriarcal
D’ailleurs il est intéressant de constater que les wokistes s’allient bien souvent avec les marxistes pour attaquer le capitalisme patriarcal blanc, tel que celui du conseil d’administration de Qonto, mais aussi défendre l’idée du revenu universel. Pour une banque qui cherche à attirer les comptes des PME et des entrepreneurs, la stratégie est audacieuse.
Fort heureusement, le monde politique français a commencé à agir. Le député RN Franck Allisio a posé en février 2024 au ministre de l’Économie une question écrite portant sur les clôtures abusives de comptes bancaires d’élus et de partis politiques. Cette question a été retirée suite à la dissolution. De même, une proposition de loi a été déposée en avril par le sénateur centriste Philippe Folliot et examinée début juin 2024 par la commission des Finances du Sénat. Cet examen a été suspendu pour la même raison.
La question se pose enfin des conséquences potentielles de cet engagement politique pour Qonto dans des Etats européens comme l’Italie, le Danemark, la Hongrie, etc. dont les élections ont porté au pouvoir des politiques opposés au wokisme. Le temps est peut-être venu de faire un exemple.