Napoléon Bonaparte est mort le 5 mai 1821 à Sainte-Hélène, près des côtes sud-africaines. Voulant se « rattacher à toutes les gloires de France », le roi Louis-Philippe Ier décide de réclamer le corps aux britanniques, les geôliers de « l’ogre corse ». C’est le fils cadet du roi des Français, le prince de Joinville, qui aura la lourde charge d’escorter le corps d’un homme qui aura dirigé la France et l’Europe entre 1799 et 1815. Le « Retour des cendres » restera un des épisodes majeurs de la monarchie de juillet qui décide de déposer le cercueil de Napoléon Ier dans un lieu à la hauteur du génie militaire qu’il aura été de son vivant. La légende est née.
Lire aussi : L’éditorial de Jacques de Guillebon : Guerre civile mondiale
Deux siècles plus tard, on se presse toujours dans l’enceinte de l’Hôtel des Invalides où dorment aussi d’autres napoléonides. « C’est le jour de l’empereur, le jour où je différencie l’histoire de la politique » déclare fièrement David Saforcada, leader de France Bonapartiste, un mouvement qui se réclame de l’héritage impérial, venu spécialement pour cette occasion. Autour de lui, plus de 300 personnes qui se sont réunies afin de suivre cette commémoration annuelle. « Nous sommes ici uniquement pour commémorer la mémoire de l’empereur contrairement à celle du 2 décembre qui honore les soldats de la Grande Armée ». Près du tombeau, incrustés dans la mosaïque du sol, les noms des grandes batailles qui ont marqué la carrière militaire, le règne de « l’empereur de la république française ».
« Aux morts ! » crie soudain un des officiers présents près du tombeau. Roulement de tambours et clairons résonnent de leur puissance sous le dôme. L’atmosphère est empreinte de solennité et de respect. Le programme est réglé comme une marche militaire. Les membres de la famille impériale sont venus. Enfermé dans un costumé taillé sur mesure, le chef de la maison impériale des Napoléon, le prince Jean-Christophe, 32 ans, dépose une immense gerbe de fleurs, en forme de cocarde tricolore, en hommage au fondateur de la dynastie. Sont présents près de lui, des saint-cyriens et chasseurs alpins. Quelques zélés bonapartistes laissent alors échapper un vibrant « vive l’Empereur ! ».
Le prince descend en ligne droite du prince Jérôme, roi de Westphalie, le frère de l’empereur. Banquier à la City, il a récemment fait les titres de la presse nationale et internationale après l’annonce de ses fiançailles avec la comtesse Olympia von Arco-Zinneberg qui faisait là ses tous premiers pas officiels. Un futur mariage qui aura lieu le 19 octobre prochain. Venus avec lui, les princes Joachim et Pierre Murat, qui descendent du célèbre maréchal et roi de Naples, le comte Alexandre Walewski dont le nom rappelle les amours de Napoléon avec une des plus belles femmes de Pologne, André Massena, prince d’Esling, Charles de Bourbon-Sicile, duc de Castro ou encore Béatrice de Bourbon-Sicile, mère du prétendant. Dans le sang de ce petit-fils de résistant gaulliste coule aussi celui de Louis XIV. Une troisième voie possible pour les déçus du légitimisme ou de l’orléanisme.
Le bonapartisme est divisé en deux tendances, républicaine et impérialiste. Le prince Jean-Christophe qui assume la lourde charge que représente son nom depuis 1997, rêve-t-il de s’engager en politique comme son père avant lui qui fut tour à tour adjoint au maire d’Ajaccio et conseiller municipal de Nemours ? Ou se placer dans le sillage du prince Louis Napoléon, premier choix des putschistes de 1958 bien avant le général de Gaulle ?
A défaut de se lancer dans la bataille, cet aiglon en devenir préfère observer, attendant le meilleur moment pour se déclarer.
Une fois la traditionnelle messe passée, tous se pressent autour du prétendant impérial. Pour les membres de l’association du Souvenir Napoléonien, simples passionnés des deux empires, élus, militaires, historiens reconnus comme David Chanteranne ou Thierry Choffat, personnalités du petit écran tel que Pierre-Jean Chalençon, le prince Jean-Christophe incarne une certaine continuité de cette grande épopée qui n’en finit pas de fasciner les français depuis des générations. Un parfum d’anachronisme ? Interrogé, David Saforcada s’en défend. « On voit bien des gens se réclamer encore du socialisme ou du communisme » déclare-t-il avant d’ajouter un brin ironique, « il paraît qu’il y a même des royalistes ». « Alors pourquoi pas des bonapartistes ? », surenchérit-il avant d’ajouter que « l’idée n’a rien de passéiste mais bien tout de progressiste ». « Il suffit de regarder tout autour de nous à Paris, la mémoire de Napoléon est présente dans chaque rue. Ne nous a-t-il pas laissé en héritage le code civil, le concordat, la Légion d’honneur …? » nous rappelle-t-il en guise de leçon d’Histoire.
Lire aussi : De l’utopie à la réalité : Bienvenue au Liberland, micronation libertarienne
Le bonapartisme est divisé en deux tendances, républicaine et impérialiste. Le prince Jean-Christophe qui assume la lourde charge que représente son nom depuis 1997, rêve-t-il de s’engager en politique comme son père avant lui qui fut tour à tour adjoint au maire d’Ajaccio et conseiller municipal de Nemours ? Ou se placer dans le sillage du prince Louis Napoléon, premier choix des putschistes de 1958 bien avant le général de Gaulle ? A défaut de se lancer dans la bataille, cet aiglon en devenir, préfère observer, attendant le meilleur moment pour se déclarer. C’est un européen convaincu qui refuse les extrêmes mais qui appelle à réformer le modèle d’intégration qui prévaut actuellement dans un pays. « Il serait étrange que je ne participe pas comme citoyen à toute action qui me permettrait d’épouser mon temps », affirmait-il encore récemment au magazine Point de Vue, laissant tous les espoirs permis à ses partisans.