[vc_row][vc_column][vc_column_text css=”.vc_custom_1558794517903{margin-right: 25px !important;margin-left: 25px !important;}”]
Dans Les Petits Matins Rouges – Récit d’une trahison aux Editions de l’Observatoire, Laurent-David Samama (auteur d’une biographie romancée de Kurt Cobain) s’est livré à un exercice risqué en autopsiant le cadavre zombifié du trotskisme français. Plongée dans l’histoire tourmentée et romantique du communisme anti-stalinien.
Il est si difficile de s’y retrouver entre les diverses factions trotskistes – encore plus nombreuses que les scissions de l’Action française ou les multiples mouvements solidaristes français – que Laurent-David Samama a pris la peine d’inclure un petit glossaire des sigles et acronymes mentionnés dans son essai : OCI (Organisation communiste internationaliste), PSOP (Parti socialiste ouvrier et paysan), AMR (Alliance marxiste révolutionnaire), JCR (Jeunesse communiste révolutionnaire) ou encore LCR (Ligue communiste révolutionnaire). De la LCR et de ses évolutions, il est longuement question dans ce « récit d’une trahison ».
Le gouvernement craignait alors que la France ne sombre dans une guerre civile entre rouges et noirs, à la manière de ce que connaissait l’Italie post soixante-huit.
Renommé Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en 2009, moment crucial sur lequel nous reviendrons, la LCR est une formation issue de la reformation d’une ligue dissoute en 1973 : la Ligue communiste, mouvement trostko-communiste farouchement anti-stalinien mais non lambertiste. On vous avait prévenus, il faut suivre. La Ligue communiste, elle-même fondée par des anciens du PCI (Parti communiste internationaliste) et de la JCR d’Alain Krivine et Daniel Bensaïd, a été dissoute sur proposition du ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin en Conseil le 28 juin 1973, en même temps … qu’Ordre nouveau, des suites du violent meeting de la Mutualité. Le gouvernement craignait alors que la France ne sombre dans une guerre civile entre rouges et noirs, à la manière de ce que connaissait l’Italie post soixante-huit.
Lire aussi : L’éditorial de Jacques de Guillebon : Guerre civile mondiale
Longtemps poursuivis par les « noirs », les Trotskistes ont été les ennemis des anarchistes ukrainiens avant de devenir les ennemis jurés des postfascistes : « Makhnovtchina, Makhnovtchina. Armée noire de nos partisans. Qui combattait en Ukraine, contre les rouges et les blancs. Makhnovtchina, Makhnovtchina. Qui voulait chasser d’Ukraine, à jamais tous les tyrans ».
Trostki était en effet au mieux perçu comme un aventurier et un intellectuel, au pire comme un dangereux meurtrier que même Staline trouvait trop jusqu’au boutiste
L’armée rouge n’y était guère plus populaire en territoire ukrainien que celle de Dénikine, et Trotski était un des plus haïs des généraux par sa violence et son absolutisme révolutionnaire, son idéalisme meurtrier et sanglant.Léon Trotski le décimateur – au sens propre du terme, au sens romain-, ne projetait-il pas de gazer les marins insurgés de Kronstadt, voyant en eux des réactionnaires en « pantalons bouffants » qui se coiffaient « comme des souteneurs » ? Avant que la quatrième internationale ne soit fondée en France en 1938, faisant de notre pays l’une des places fortes du Trotskisme mondial, ce qui permit d’embellir la légende après Guerre, Trostki était en effet au mieux perçu comme un aventurier et un intellectuel, au pire comme un dangereux meurtrier que même Staline trouvait trop jusqu’au boutiste.
Lire aussi : Loiseau de malheur pour Emmanuel Macron
De ces heures sombres, il n’est guère question dans Les Petits Matins Rouges. Quant à la fin tragique de Léon Trotski au Mexique, semble-t-il assassiné par le KGB, elle ne saurait être comparée à celle de l’ennemi anarchiste Nestor Makhno, contraint de travailler à l’usine à Paris le corps rempli de reste de mitraille. Au fond, on se demande si la critique globale de l’auteur, qui voit en le trotskisme français contemporain un avatar abâtardi et vidé de sa substance, sorte de fourre-tout anticapitaliste dont le climax serait actuellement à trouver au cœur du mouvement des Gilets Jaunes, duquel les héritiers de Lev Davidovitch Bronstein seraient les idiots utiles – un comble -, ne fait pas écho au découragement des trotskistes purs et durs tels que Daniel Bensaïd et Alain Krivine. Eternels perdants, ils ont dû se contenter d’entrisme au Parti socialiste et de « métapolitique », ne touchant pas même du doigt le véritable pouvoir, ou, quand ils y parvenaient, trahissant totalement leurs idéaux.
Pour Laurent-Daniel Samama, le trotskisme n’est pas mort mais simplement redevenu modeste
Ainsi du libéral européiste Moscovici et de tous ces « droits-de-l’hommiste » passés dans le camp néo-conservateur en France et aux Etats-Unis, qui n’ont retenu de l’internationalisme trotskiste qu’un vague sentiment cosmopolite. Sans parler de tous les trotskistes passés altermondialistes et autres « anti-capitalistes », dissous dans une contestation protéiforme dont ils ne sont que des acteurs périodiques et non des moteurs, condamnés aux marges politiques.
Lire aussi : Jean Sevillia : « En 1940, le Parti Communiste Français a trahi la France »
Pour Laurent-Daniel Samama, le trotskisme n’est pas mort mais simplement redevenu modeste. La réalité est peut-être autre : le trotskisme a-t-il encore une raison d’être en 2019, époque où l’internationale a été définitivement achevée par le libéralisme mondialisé ?
Gabriel Robin
Les Petits Matins Rouges – Récit d’une trahison de Laurent-David Samama
Editions de l’Observatoire paru le 17 avril 2019
[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]