[vc_row][vc_column][vc_column_text css=”.vc_custom_1586357983533{margin-right: 25px !important;margin-left: 25px !important;}”]
Avec le confinement, les rues, les routes, les grandes artères de nos villes se sont asséchées. Ces grands flots ont cessé, de véhicules et de personnes dont le sac et le ressac berçaient le flâneur épris des plages urbaines, lui dont l’œil glissait, curieux, d’une carrosserie blessée à l’énigme d’un visage.
Chacun, chez soi, aperçoit maintenant, par échos réguliers, l’image des monuments abandonnés; le silence règne, à peine quelques vrombissements aléatoires, comme le dernier repli des vagues. La mer s’est retirée.
À cette ascèse contrainte, nous dit-on, trouvons un emploi judicieux ! Très bien. Pourquoi ne pas en profiter pour jouer à la roulette russe ? Je vois deux avantages à la propagation d’un tel loisir: premièrement, voici le moyen le plus rapide de retrouver des sensations fortes même sans quitter sa chambre. Deuxièmement: la mortalité du covid-19 s’en trouverait diminuée, relativement parlant, grâce aux 17% du barillet de 6. Je fais du mauvais esprit ? Oui. J’adore.
Lire aussi : Opération confinement : ne soyez jamais à court de papier !
Ne me remerciez pas. Vous avez des légions de crétins payés par vos impôts pour faire le bon, et qui sont mauvais pour le faire. Et puis je ne trouve pas que le bilan soit réjouissant, ni même pédagogique. La mer s’est retirée, que reste-t-il? Les supermarchés, Amazon, Netflix et les réseaux sociaux. Tout ce qui est lourd, générique et vulgaire a tenu le choc. Ça ne donne pas envie de s’épargner ou d’épargner qui que ce soit. La vie qu’on étouffe pour mesures sanitaires, on n’en retrouve qu’un mauvais remugle dans les séries bas-de-gamme ou les polémiques et confessions virtuelles, ce faux flux, nerveux et fade, qu’on nous intube pour nous faire croire qu’on respire encore.
Mais il y a bien des espaces où la vie demeure, comme en des flaques d’argent sur le sable. Dans la Bible, puits sans limite, comme le note Samuel Brussell; dans le livre d’Etore Sotsass, Écrit la nuit, où la vie rappelle ses qualités: une grande intensité, une grande perte. Tout le reste est spectral. Artificiel et prolongé, prolongé parce qu’artificiel, comme le coma où on nous maintient depuis trop longtemps. Il y a un génie italien pour saisir la vie, pour la brandir comme un serpent fuyant, gueule ouverte. Francesco Forlani le démontre à la suite des plus prestigieux de ses compatriotes. C’est le moment, à marée basse, d’observer ces belles vipères ondulant sur le sable.
Il y a un génie italien pour saisir la vie, pour la brandir comme un serpent fuyant, gueule ouverte. Francesco Forlani le démontre à la suite des plus prestigieux de ses compatriotes. C’est le moment, à marée basse, d’observer ces belles vipères ondulant sur le sable.
De nous rappeler, avant que la mer remonte, ce qu’est l’essence vitale. Alors nous nous jetterons sur la vague, demain, avec plus d’adresse. Ce qui est, en effet, la seule manière que nous pourrions avoir de donner un sens personnel à cet emprisonnement, au-delà du sens civique. À marée basse, on y voit plus clair, c’est vrai. Ceux qui nous agaçaient sont devenus insupportables, d’autant que nous donnent des leçons ceux dont l’impéritie nous a amenés là. Les mêmes ténors médiatiques couvrent toutes les ondes.
Aucun zinc ne les contredit. Les lois d’exception confèrent plus de pouvoir que jamais aux irresponsables qui ont rendu fatales les lois d’exception. Pourtant, chargées par certains livres, certains films, certaines musiques, il se pourrait qu’outre les corps, les âmes aussi se forgent une immunité. Et qu’elles reviennent demain intraitables dans le choc permanent des vagues. Voilà l’autre guérison pour laquelle nous prions.
Romaric Sangars
[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]