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Big Mother s’occupe de tout. À peine on l’oublie qu’elle pointe le bout de son nez pour nous tancer, nous réprimander et nous mettre au piquet. Faire régner l’ordre n’est pas toujours une sinécure, surtout quand on s’occupe d’une classe de turbulents Gaulois réfractaires. Il faut donc parfois faire appel à un intervenant extérieur dont l’autorité ne saurait être contestée. C’est exactement ce que prévoit la loi de « lutte contre la haine sur internet » portée par Laëtitia Avia avec l’appui du Président de la République.
Inspirée par la législation allemande dite « NetzDg », la loi qui sera débattue la semaine prochaine à l’Assemblée nationale institutionnalisera le rôle de censure que s’étaient déjà officieusement attribué les opérateurs et les plateformes numériques étrangères les plus célèbres : Facebook, Twitter ou encore YouTube. Feignant de menacer les « laxistes » GAFAM de la Silicon Valley, Laëtitia Avia explique dès l’exposé des motifs de son projet de loi que « Les plateformes de réseaux sociaux jouent trop souvent de l’ambivalence de leur statut juridique d’hébergeurs pour justifier leur inaction. Les grandes plateformes ont pourtant une responsabilité : celle de pouvoir générer de la viralité autour de leurs contenus, et par là exposer d’autant plus les victimes de discours de haine. Au regard de l’importance qu’elles prennent dans nos usages numériques quotidiens, ces plateformes doivent davantage assurer la protection et la sécurité de leur utilisateurs ». Qu’en termes soigneusement choisis ces choses-là sont dites.
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Le texte qui risque d’être adopté la semaine prochaine n’est rien de moins que majeur et dangereusement liberticide, sa philosophie prolongeant et aggravant ce qui avait été entrevu lors des débats sur la loi de lutte contre les « fake news ». Si tout le monde s’accordera à conclure qu’internet a libéré la parole, et avec elle amené plus de pluralisme dans le débat public, personne ne pourra non plus nier que l’horizontalité numérique charrie aussi son lot de nuisances : prolifération de semi-habiles, séquences d’hystérie collective de plus en plus fréquentes ou quarts d’heure de haine accompagnés de harcèlements ciblés très violents.
Le texte qui risque d’être adopté la semaine prochaine n’est rien de moins que majeur et dangereusement liberticide, sa philosophie prolongeant et aggravant ce qui avait été entrevu lors des débats sur la loi de lutte contre les « fake news »
En la matière, les moralistes qui nous gouvernent ne sont pas exempts de reproches, tant parce qu’ils utilisent en permanence les ressorts pervers de l’émotion que parce qu’ils n’hésitent pas eux aussi à livrer occasionnellement à la vindicte des adversaires. Laurent Ruquier et les membres de la Ligue du LOL en ont d’ailleurs récemment fait les frais, victimes d’un système qu’ils ont contribué à mettre en place.
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Le mécanisme de la loi Avia est d’une grande perversité. Il fonctionnera comme suit : un contenu relevant d’une injure ou d’une incitation à la haine – signalé à une plateforme – devra être supprimé en vingt-quatre heures par l’opérateur, s’il contrevient de manière évidente à la loi. Pour le cas où l’opérateur ne réagirait pas dans le délai qui lui est imparti, il serait sanctionné par le CSA, organisme dont la probité politique est parfois sujette à caution, puisque à l’avant-garde du conformisme politiquement correct le plus creux et le plus infantilisant. Ce n’est pourtant pas là le danger le plus grave de la loi Avia. Le texte oblige, en effet, les opérateurs internet à dire dans un laps de temps très court ce qui contrevient ou pas à la loi française, et leur donne le pouvoir de juger ce qui relève d’un discours « de haine », sachant par ailleurs que ces acteurs du numérique ne se privent déjà pas de le faire et de suppléer l’Etat dans son rôle de police politique et d’arbitre des élégances intellectuelles.
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Le texte est-il, au juste, conforme à la Constitution qui fait du juge judiciaire le garant des libertés fondamentales ? La place prise par les GAFAM dans l’application de nos lois devient ici excessive. Elle témoigne de liens étroits qu’entretient l’Etat avec ces Compagnies des Indes d’un genre nouveau. Le 21 janvier 2019, le compte twitter officiel de l’Élysée diffusait une vidéo de Sébastien Missoffe, directeur général de Google France.
Laëtitia Avia va donner aux grandes compagnies du numérique l’influence politique et idéologique qu’ils espéraient obtenir depuis dix ans
Ce dernier y défendait les investissements de la compagnie américaine sur le territoire français, devant le logo de la marque. En fait d’investissements, faudrait-il parler d’une stratégie de colonisation numérique de la France, Google ayant « formé » des Français à l’utilisation des nouvelles technologies grâce à un partenariat avec l’État français. Ces formations comprenaient aussi du développement personnel, à en juger par les photos diffusées par certaines universités qui ont fait le choix de travailler directement avec le géant de l’internet.
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Cédric Ô, secrétaire d’Etat au numérique qui s’est récemment ridiculisé sur les réseaux sociaux en compagnie de Julien Denormandie et de Sibeth N’Diaye, affirmait avant hier que « Jusqu’ici, quand la justice française demandait des adresses IP, Facebook ne les donnait que s’il s’agissait de dossiers relevant du terrorisme ou de la pédopornographie ». C’est bien sûr tout à fait inexact puisque tout juge pouvait faire la demande d’une adresse IP, et ce quel que soit le domaine. L’enfer est pavé de bonnes intentions. En fait de lutte véritable « contre la haine », Laëtitia Avia va donner aux grandes compagnies du numérique, qui se ne cachent plus de faire de la politique, l’une des cadres de Google ayant affirmé en caméra cachée que son entreprise agirait en amont pour que Donald Trump ne soit pas réélu, l’influence politique et idéologique qu’ils espéraient obtenir depuis dix ans.
Gabriel Robin
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