C’est un Allemand, Vogel, qui forgea au XVIIIe siècle, le concept clinique de « paranoïa » à partir d’un mot grec qui désignait pour les Anciens un « trouble de la raison, une folie ». C’est sans doute d’abord cette maladie de la raison que l’on vise aujourd’hui par nos -ismes barbares. Ce trouble qui frappe un jour un homme et lui fait accroire que les Jésuites chuchotent à l’oreille des puissants, que les chrétiens ont brûlé Rome, que les francs-maçons, non contents d’être des imbéciles, mangeraient en sus des enfants ; que les juifs seraient douze dans une cave à Moscou et y domineraient le monde ; ou bien que le centre de la terre abriterait des reptiles humanoïdes, surdéveloppés, protéiformes et reconnaissables dans leur infamie au fait qu’ils se lèchent les babines comme des geckos.
L’historien, qui connaît à la fois les conjurations et les folies, les coups d’État et la puissance auto-réalisatrice des passions tristes, n’a jamais eu le courage morbide de s’atteler à la liste de tous les délirants et de tous les corpus qui ont sévi à travers l’histoire. Peu importe, Dostoïevski l’a fait mieux qu’eux dans tous ses romans. Ce grand moraliste l’a dit : c’est toujours à la théologie morale, mère de toutes les sciences, qu’il faut en revenir si l’on veut comprendre quoi que ce soit. [...]
Le complotisme se fonde sur une philosophie morale faussée à la fois dans ses prémisses, dans sa cosmogonie et dans sa méthodologie et se réfugie bientôt dans un orgueil satanique qui lui donne raison contre tout le monde
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