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« Bref » saison 2 : Le naufrage du cool

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Publié le

17 février 2025

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Treize ans après son succès fulgurant, Bref revient sur Disney+ dans une saison 2 qui tente de renouer avec son ADN, mais fini par trahir son propre héritage. Allongé, aseptisé et en quête d’une profondeur artificielle, ce retour inespéré confirme qu’il est parfois préférable de savoir s’arrêter à temps.
© Bref 2 - Capture d'écran.

En 2011, Bref était un petit miracle cathodique. Rythme effréné, voix-off mordante, ironie générationnelle savamment dosée : Kyan Khojandi et Bruno Muschio avaient réussi l’exploit de condenser l’air du temps en pastilles de deux minutes, et d’en faire un phénomène. Treize ans plus tard, Disney+ nous livre une saison 2. L’annonce avait de quoi intriguer. Après tout, un retour après tant d’années est rarement une bonne idée. À l’arrivée, c’est encore pire que prévu : ce Bref 2.0 ressemble à un quadra en crise qui tente désespérément d’être encore cool.

Un changement de format hasardeux

Oubliez les épisodes courts et incisifs. Place à des formats de 30 à 40 minutes, censés permettre de “creuser les personnages” et “aborder des sujets plus profonds”. En réalité, on assiste surtout à un allongement artificiel d’une recette qui fonctionnait par son immédiateté. Là où Bref captait avec brio l’absurdité du quotidien en quelques plans, cette saison 2 s’embourbe dans des tentatives de narration laborieuses et un étirement inutile des situations.

Le montage nerveux ? Il est toujours là, mais dilué, moins percutant, comme une vieille blague qu’on répète trop. Le ton désabusé ? Il frôle désormais la posture. Plus qu’un regard mordant sur la société, Bref semble aujourd’hui vouloir “dire des choses” (c’est la mode) : la parentalité, l’anxiété sociale, la solitude post-Covid. Autant de sujets abordés avec le même cynisme forcé, mais sans le punch qui faisait autrefois mouche.

Et ce changement de format entraîne une conséquence inévitable : la lourdeur. Là où la version originale donnait lieu à une fulgurance humoristique, ces nouveaux épisodes s’étirent, s’écoutent parler, s’enlisent dans des dialogues qui veulent à tout prix sonner authentiques. Pire, Bref trahit son propre ADN en remplaçant la spontanéité par un vernis scénarisé inefficace. L’écriture a gagné en technicité, mais a perdu en sincérité.

Le syndrome « cool mais pas trop »

Un autre problème majeur de cette saison 2 tient à son casting. Si Kyan Khojandi et ses acolytes (Bérengère Krief, Baptiste Lecaplain, Alice David) répondent toujours présents, de nouvelles têtes font leur apparition : Laura Felpin, Jean-Paul Rouve, Doria Tillier… Preuve que le projet a gagné en ambition (et en budget). Mais ces ajouts donnent surtout une impression de casting calibré pour séduire un public bobo désireux de cocher toutes les cases du divertissement « intelligent ».

Ce Bref millésime 2025 transpire l’autocensure et le conformisme déguisé en nonchalance. 

Et c’est là que le bât blesse : Bref voulait autrefois être impertinent, mais cette saison 2 veut surtout être dans l’air du temps. Tout y est plus lisse, plus consensuel, à l’image de cette production sous l’égide de Disney+, qui ne pouvait de toute façon pas accoucher d’un projet réellement corrosif. Ce Bref millésime 2025 transpire l’autocensure et le conformisme déguisé en nonchalance.

On sent que la série cherche à conserver sa patte subversive, mais elle le fait avec des pincettes. Les piques contre le monde du travail sont devenues des banalités sur le métro-boulot-dodo, les interrogations existentielles se muent en longs monologues un peu plats sur « c’est quoi être adulte aujourd’hui ? », et la critique sociale, autrefois acide, est désormais diluée dans un humour bienveillant. Ce n’est plus Bref , c’est En Thérapie version stand-up.

Une nostalgie mal déguisée

L’autre souci majeur, c’est que Bref saison 2 repose sur un malentendu : croire que le public voulait un retour sous cette forme. Car soyons honnêtes, qui réclamait vraiment une suite ? La force de la première saison était justement de capturer l’instant, de saisir une époque et de s’arrêter avant l’essoufflement. Revenir aujourd’hui, c’est fatalement s’inscrire dans un autre temps, une autre dynamique, et échouer à recréer la magie d’antan.

Et ce problème ne concerne pas que le format : il touche aussi le personnage principal. En 2011, ce trentenaire un peu paumé, oscillant entre cynisme et autodérision, parlait à une génération qui se reconnaissait en lui. En 2025, le même personnage, désormais quadragénaire vire à la caricature. L’angoisse existentielle qui paraissait touchante devient une rengaine, l’humour désabusé se transforme en posture de vieux-jeune qui refuse de lâcher prise.

Un retour qui n’avait pas lieu d’être

La première saison de Bref avait eu l’intelligence de s’arrêter au bon moment, avant de s’épuiser. Cette saison 2 prouve malheureusement qu’il aurait dû en rester là. Ce n’est pas tant une mauvaise série qu’un projet inutile, qui trahit le matériau d’origine en s’efforçant d’exister coûte que coûte. Kyan Khojandi a vieilli, son personnage aussi, et son regard sur le monde est désormais celui d’un adulte tenté par la moraline plutôt que par la satire. À vouloir parler à tout le monde, Bref 2 ne parle finalement plus à personne. Bref, c’est raté.

BREF, saison 2 (6 épisodes), de Kyan Khojandi et Bruno Muschio avec Laure Felpin et Baptiste Lecaplain, disponible sur Disney +

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